la "garluche"
bloc de garluche
La garluche ou « mauvaise pierre
» des Landes, est une pierre de grès
ferrugineux (oxyde de fer) de couleur rouille et souvent caverneux, que l’on
trouvait en abondance, principalement dans la Haute Lande, des Grande et Petite Leyre ( Pissos, Liposthey,
Commensacq) à l’ Estrigon (Vert, Brocas).
Un exemple d'utilisation de la garluche dans la construction
l'église de Mézos
Outre son utilisation ancienne
comme matériau de construction, elle semble avoir servi depuis longtemps de
minerai. Mais, en raison de sa teneur en fer, bien que faible (environ 20%) elle a alimenté, à
partir de la fin du XVIIIe siècle, une activité sidérurgique locale aujourd’hui
disparue, dont le souvenir est perpétué par les noms de Pontenx les Forges ou
Brocas les Forges, et quelques lacs de
Forges.
Les couches abondantes et à faible
profondeur étaient extraites artisanalement à ciel ouvert dans la forêt ou le
long des berges de certains ruisseaux. On estime que 500 000 tonnes de ce
minerai ont été extraites de 1834 à 1892.
" C est une chose
remarquable que tous les faluns qui se trouvent dans les Landes, presque depuis
Bayonne, jusqu'aux deux tiers du chemin de cette ville à Bordeaux, soient
convertis en mine de fer"
( baron de Dietrich -1786- Description des gîtes
de minerai de France)
Un autre élément important de la
naissance de cette petite industrie était la forêt de pins qui permit de
produire le charbon de bois nécessaire au fonctionnement des hauts fourneaux
pour la fabrication de la fonte.
les charbonniers
le lac des forges d'Uza
LES PREMIERES FORGES DU XVIIIe SIECLE
Les hauts-fourneaux et forges furent construits le long des cours d’eau et barrages fournissant l’énergie de la force hydraulique aux marteaux-pilons broyant la garluche ou travaillant le métal.
Cette sidérurgie landaise a pourtant commencé à décliner après 1850 en raison de l’épuisement des gisements locaux et la concurrence extérieure née avec la construction du chemin de fer. Elle perdura tant bien que mal jusqu’au début du xxe siècle, avant d’être supplantée par les hauts-fourneaux à houille, avec, en particulier, la fondation, en 1882, de la grande usine du Boucau approvisionnée en minerai espagnol puis algérien, anglais ou allemand, par le port de Bayonne.
Les gisements locaux épuisés et après avoir tenté d’utiliser la tourbe ou le lignite (Saint-Lon) on eut recours à l’importation de minerai du Périgord puis de la région de Bilbao en Espagne.
L’extraction de la garluche locale cessa définitivement en 1892. Heureusement naissait alors une nouvelle industrie : celle du bois et de la résine.
le lac des forges d'Uza
LES PREMIERES FORGES DU XVIIIe SIECLE
Elles doivent leur fondation à l’initiative
de quelques nobles gentilshommes, propriétaires des terres et forêts, tels les
Lur-Saluces à Uza, les Gombault à Pontenx, ou les Borda de Josse à Abesse.
un haut-fourneau au XVIIIe siècle
LES FORGES DU XIXe SIECLE
Durant l’Empire et la
Restauration, de nouvelles forges se multiplièrent sous l’impulsion d’une nouvelle
génération bourgeoise de maîtres de forge, tels les Larreillet, Geoffroy, Dubourg.
Un Maître de Forge
Pierre Joseph Bertrand Geoffroy
LES FORGES D’UZA
Elles sont considérées comme les
plus anciennes puisque le premier haut-fourneau remonterait à 1760, fondé par le marquis de Lur-Saluces, comte
d’Uza, qui y exploitait du minerai extrait des landes de Ligadets.
Un moment interrompue par la Révolution
et l’émigration de son propriétaire, l’exploitation du haut fourneau se
poursuivit jusqu’en 1903, toujours par la même famille et une petite fonderie a
même perduré jusqu’en 1981. Il en reste aujourd’hui les bâtiments de l’atelier
d‘usinage, inscrits à l’inventaire des monuments historiques en 2004.
LES FORGES D'ABESSE
A SAINT-PAUL-LES-DAX
L’exploitation d’une mine de fer fut
autorisée en 1766, mais l’activité semble y rester modeste avant de cesser en 1786 pour ne reprendre que sous l’Empire.
Ces forges fabriquaient en particulier des boulets pour la marine.
M de Borda, émigré rentré dans ses biens mais ruiné, vendit Abesse en 1829 à Bertrand Geoffroy, métallurgiste
venu des Ardennes, qui la releva à
partir de 1831.
En 1840, l’activité battait son
plein, et l’usine comportant deux hauts-fourneaux employait 175 ouvriers. En
1841, un chemin à rails de bois fut construit jusqu’à Magescq pour le transport
du minerai et du bois, puis de la fonte vers Dax et l’Adour. En 1852, Abesse et
son annexe de Poustagnac occupaient plus de 200 salariés dont un certain nombre
venus de Belgique ou des Ardennes
Le fils Adolphe Geoffroy succède en 1858, puis l’ensemble du
domaine est vendu à la famille Dubourg, puis à la famille Boulard, riche
famille qui développa encore l’activité.
Vint ensuite le déclin du à l’augmentation du prix de
revient et donc la concurrence des grandes fonderies, si bien que l’activité
cesse en 1923.
LES FORGES DE PONTENX
En 1762 le comte de
Rolly, seigneur de Pontenx, établit une
forge à fer sur le cours du ruisseau des Ticheneys. Les forges
fabriquaient de la poterie de fonte à usage domestique telles que des
chaudières (exportées aux Antilles pour le raffinage du sucre), du métal pour
outils aratoires et du fer marchand à débit régional.
L'activité des forges fut à son apogée en 1811, et dans les
années 1830, le
Marquis de Gombault, gendre du comte de
Rolly renouvela les installations avant de les céder à la Compagnie des Landes 1834.
.
Ces forges s'arrêtèrent
définitivement en 1918, après avoir usiné des obus pendant la guerre
une vue des forges de Pontenx
LES FORGES D'YCHOUX
Une petite installation fut
fondée dès 1800 par M. Adolphe Larreillet, et en 1840 deux forges (forge d’en haut et forge d’en bas) produisaient
de la fonte pour le moulage de marmites, tuyaux, boulets et, par affinage, du
fer pour la fabrication de clous, outils et instruments aratoires. Un décret
impérial de 1857 Dominique Larreillet, d’établir un haut fourneau .
De toutes ces installations abandonnées
en 1898 il ne reste aujourd’hui que le souvenir avec les lieux-dits le Fourneau
ou les Forges et le lac, ainsi que le monument funéraire de la famille Larreillet
sur la place de l’église.
ARDY ( à Saint-Paul-les-Dax)
Dépendance des forges de Castets,
fondée vers 1831 elle cessa en 1890. Ne restent aujourd’hui que l’étang et sa
retenue, et les vestiges du haut fourneau enfouis dans la végétation.
PISSOS
Vers 1800, M. Lescure, ancien
fermier des forges dUza obtint bien l’autorisation d’y fonder un établissement,
mais après l’abandon du projet, c’est vers 1818 que Dominique Larreillet y construisit
un haut fourneau sur le ruisseau de Mordorat près du moulin de Claveyre, destiné
à la fusion du minerai de fer, en remplacement du foyer à la catalane d’Ychoux.
Ces installations ont cessé leur activité vers 1887
SAINT-JUSTIN
Autorisation est donnée en 1845 pour l’installation d’un
haut fourneau et trois feux d affinerie sur l’emplacement d’un ancien martinet à
cuivre.
BUGLOSE
Deux feux d affinerie y furent exploités
à partir de 1846 par M. Victor Lasserre de Dax, près de l’étang actuel de la
Glacière. Puis deux hauts fourneaux y furent construits, mais après plusieurs
cessions, l’établissement cessa son activité en 1888.
POUSTAGNAC ( à Saint-Paul-les-Dax)
Dépendance de la forge d’Abesse
mise en activité en 1836 par Bernard Geoffroy, ce fut une tôlerie qui ne
fonctionna que quelques année avant de disparaître
CERE
Etablissement crée en 1858 par M. Lesperon, maître de forge
a Brocas, mais vite disparu.
SAINTE-HELENE
Destiné à remplacer la forge de Cère,
un haut-fourneau fut édifié en 1864 à Sainte Hélène près de Mont de Marsan. Les
frères Tinarrage, anciens directeurs des forges Larreillet de Brocas y établirent
une fonderie et un atelier de construction.
LES FORGES DE BROCAS
Dominique Lareillet obtint par ordonnance royale de 1830 l'autorisation de construire deux hauts fourneaux adossés, et fours d affinage, au bord du ruisseau de l’Estrigon. Un seul fut finalement édifié et mis en service en 1833, et M. Larreillet s'associa à ses deux fils, Camille et Adolphe (lequel meurt accidentellement au lac de sa forge), pour son exploitation.
Cette exploitation du haut-fourneau semble avoir cessé vers 1889, après une période d’indivision entre les héritiers des fils du fondateur, et la vente du domaine à M. Tinarrage. Les forges fermèrent leurs portes vers 1904, pour se fondre dans le capital des Fonderies et Émailleries de Brocas SA, à Villenave-d'Ornon, en Gironde.
Sur le site inscrit à l’inventaire des monuments historiques en 2006, le haut fourneau réhabilité et restauré est encore, haut de ses 11 mètres l'un des derniers témoins historique de l'aventure industrielle du XIXe siècle dans les Landes.
vestige restauré du haut-fourneau de Brocas
les forges de Castets au début du XXe siècle
CASTETS
M. Dubourg, ancien régisseur d’Uza, fut autorisé, par une ordonnance de 1819, à exploiter une forge construite en 1814. Il y en avait deux en 1840. Il ne reste aujourd’hui sur le site, au bord du ruisseau de la Palue, que les ruines des installations qui ont cessé leur activité en 1905
les forges de Castets au début du XXe siècle
LABOUHEYRE
Deux hauts-fourneaux appartenant à des négociants bordelais ont fonctionné de 1865 à 1907 avant d’être remis en service pour les besoins de la première guerre mondiale. Ces forges furent d’ailleurs les dernières de France à utiliser le charbon d bois jusqu’à leur arrêt en 1919 et la fermeture définitive en 1927
les hauts-fourneaux de Labouheyre
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Toutes ces forges employèrent
une main d’œuvre nombreuse, puisqu’aux mineurs et forgerons il fallait ajouter
les nombreux bûcherons, charbonniers (souvent basques) et bouviers. Ainsi, en l’an
VIII, Uza comptait plus de 200 ouvriers dont une soixantaine de basques. Abesse
employait 175 salariés e 1840, et presque 500 en 1852, dont certains originaires
de Belgique et des Ardennes. Brocas employait 80 ouvriers aux fourneaux, une
trentaine à l’extraction du minerai, et plus d’une centaine de charbonniers
travaillaient pendant l’hiver. A ceux-là il fallait ajouter les bouviers
transportant les matières premières à l’usine.
vestiges à Brocas
Les Landes produisaient 28 000
quintaux de fonte en 1834, 43 000 en 1835, 55 000 en 1840, 68 000
en 1846, 130 000 en 1857, 139 000 en
1873, et enfin 162 000 en 1881, époque où 11 hauts fourneaux travaillaient
en permanence. Puis c’est la décadence due aux difficultés qu’a toujours connu
cette petite industrie landaise :
-dispersion d’entreprises
modestes et difficultés de communication
- raréfaction du minerai
landais nécessitant des importations
- introduction des fontes et
fers anglais et belges
- renchérissement du bois et
donc du charbon
- introduction de la métallurgie
au coke
- concurrence amenée par le
chemin de fer
- concurrence de la grande
industrie
En 1900, il ne reste que 4
hauts fourneaux au charbon de bois : Castets, Pontenx, Labouheyre (2)
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* Source principale:
Antoine RICHARD : La métallurgie landaise (Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest. Sud-Ouest Européen-1931 2-1 pp. 44-58)