LA CREATION ET LE STYLE D'HOSSEGOR


Dans le site naturel préservé d'une forêt de pins entre la cote sauvage de l'Océan et un lac marin, Hossegor a vu  naître, durant l'entre-deux-guerres, un style architectural mêlant les influences Art déco aux inspirations régionales labourdines et landaises, transposées et adaptées à la vocation de villégiature élégante, sportive,  et bourgeoise, de la nouvelle station balnéaire créée près du village de Soorts.


Au début du XXème siècle, le site, qui n'était  qu'un hameau de quelques maisons isolées dans la pinède,  séduisit en effet quelques hommes de lettres  et artistes dont l'un des premiers fut J.-H. Rosny jeune qui, charmé par le lieu,  s'y réfugia entre 1903 et 1921 (villa Aguarena). Il fut suivi par les romanciers Paul Margueritte de 1910 à 1918 (villa La Chartreuse puis Clair-Bois) et Charles Derennes (1913). Y séjournèrent ensuite le journaliste et poète Maurice Martin, l'historien sociologue Maxime Leroy (villa la Pierre Bleue 1907 ), le journaliste et écrivain Gaston Chéreau (villa La Petite Chartreuse), Gabriele d'Annunzio (1911) ...  Par leur enthousiasme, leurs  écrits et réseaux,  et la fondation, dès 1909, d'une Société littéraire et artistique des Amis du Lac, ces intellectuels zélateurs,  amoureux des lieux, contribuèrent à la promotion et la valorisation du site d'Hossegor et attirèrent les personnalités du monde parisien

Le véritable développement immobilier et touristique fut impulsé sur le lac par le promoteur Alfred Eluère qui obtient en 1923 les premières concessions de terrains boisés municipaux. Le but était alors de créer une "cité-parc sportive et élégante"  préservant le pittoresque des dunes, sans déboisement. Il s'agissait de sauvegarder l'apparence naturelle et le charme de  "l'admirable primitivisme des Landes" par une architecture et un urbanisme en harmonie avec le paysage, mêlant les vieux types rustiques  villageois aux formes nouvelles, dans une certaine homogénéité.

Une Société Immobilière Artistique d'Hossegor fut crée, puis une Société d'Entreprises Immobilière. L'aménagement d'Hossegor fit alors appel au concours de nombreux architectes locaux qui vont réaliser  plusieurs villas luxueuses et modernes, d'abord autour du lac puis sur des lotissements de 800 à 2000 m2 s'étendent au fur et à mesure des nouvelles concessions et acquisitions. Par la suite, une Compagnie d'entreprise immobilière fut fondée en 1927, puis une Société des Hôtels et Bains de Mer d'Hossegor en 1932.

Les premiers architectes auxquels furent confiée les travaux d'urbanisation et d'aménagement furent Claude-Henri Godbarge, théoricien du style néo-basque, et  Louis et Benjamin Gomez. La station devint  alors le laboratoire d'un nouvel ordre architectural et urbain, de la simple villa au grand équipement public.

Les villas

Les premières grandes villas furent construites dès 1905 autour du lac. En 1913 on en comptait cinq ou six, puis une vingtaine en 1913, ainsi que deux modestes hôtels de voyageurs ( Navère et Cotis) ... ainsi qu'une  petite gare rustique sur une voie  ferrée crée en 1912 depuis Labenne.  Le succès de la station ne fit que croitre après 1920. Des visiteurs illustres comme  Paul Claudel, Joseph de Pesquidoux, Francis James, y firent des séjours, et des peintres comme J.-R Sourgen (villa Peindre rêver chasser 1925) s'y intallèrent. Ainsi en 1930 , plus de deux cents de ces maisons de villégiature avaient été construites,  nichées au milieu d'un parc forestier préservé; celles d'été ouvertes sur la mer, celles d'hiver refermées sur des jardins. Deux cents autres le furent ensuite, avant 1940.

S'y exprimait  l'expression d'une architecture dite "néo-vernaculaire", née du courant régionaliste en vogue à l'époque, s'inspirant des modèles de l'architecture  traditionnelle locale mais en les combinant avec les aménagements et les techniques de construction modernes .

Aux maisons de l'arrière pays landais on empruntait les toits à pentes dissymétriques et à fortes avancées, couverts de tuiles creuses romaines, les larges auvents, le remplissage des pans de bois par un appareillage de briques disposées en épis, dit « feuilles de fougère ».D'inspiration basque étaient  les étages et solives des parties hautes en encorbellement, l'encadrement des baies, les pans de bois extérieurs (en enduits de ciment) peints en ocre rouge sur un fond d'enduit crépis blanc.

le style basco-landais d'Hossegor

et son évolution ultime !


Cependant ces constructions, proches du pastiche,  étaient en béton et les motifs hétéroclites, complexes  et de références plus diverses, comme les galeries hautes, les balcons, les rotondes, les loggias, les porches, les arcs des ouvertures, les ferronneries et grilles, les terrasses, les cartouches sculptés et les intérieurs arts-déco en vogue.

Parmi les architectes, il faut citer Robert Maurice, Louis Lagrange ,Léon Cuzot, Jean-Baptiste Prunetti, Jean-Albert Pomade, Henri Tison. 

Quelques villas de l'entre-deux-guerres

Avenue du golf :  Maya, Santiago (R. Maurice) - Churruta, Martin Choan, Adichats, Ohat Zea, Astelatz, Romance (L. Lagrange 1931)

L. Lagrange - villas Ohat Zeat et La Pigneraie
L.Lagrange - villas Oyana et Martin Choan

Avenue de Rosny :  Clair-Bois, Aguarena (ancienne maison La Berge du 19e siècle remaniée par J.H Rosny jeune, puis agrandie )

Avenue de la Côte-d'Argent : Reine des Pyrénées, Reine des Landes (H.Godbarge 1925),  Julia (frères Gomez 1925), Bois Fleuri (R. Maurice) 

Avenue du Tour du Lac : Le Repos (L. Lagrange 1929), Les Landiers (A. Pomade 1925)

Avenue cavalière du Lac : La Roseraie (A. Pomade)

Avenue de Fauvettes : Lou Tuc (A. Pomade 1929)

A. Pomade - villas La Roseraie et Lou Tuc

Avenue Maurice Martin  et avenue des Yucas : Catira (L. Lagrange 1931), Ancre de la Miséricorde (frères Gomez 1931).

Avenue Paul Lahary : La Rose des Sables (R.Valès 1926), Belfran Clamar, Martha (H. Godbarge 1925)

R. Valès - villas Speranza et Rose des Sables

Avenue Brémontier : Lou Brouch (J. Prunetti 1924), Speranza (R. Valès 1925), La Pigneraie (L. Lagrange 1930)

Avenue de Gaujac : Aguilera (L. et B. Gomez 1929) 


Avenue du Jardin Public : Irino Bat (H. Tison 1931)

Avenue Jean Rameau : Argui-Aldea ( R. Maurice 1930)

R. Maurice - villas Argui Aldea et La Volière

 

Les équipements publics

Outre les villas, furent également construits, entre 1927 et 1939, de grands équipements publics 

Le front de mer : Vers le début des années 1930, Louis  Gomez, architecte bayonnais du néo-basque,  et son frère Benjamin pour la décoration, construisirent la place des Landais, premier aménagement du front de mer de la commune. Ce front de mer était très original pour l'époque, puisque constitué de la juxtaposition de petites villas de deux étages aux façades mitoyennes alignées « en bande ». Il était complété par des terrasses et  une promenade belvédère.

 
Du début de la construction à aujourd'hui

La place des Landais

La place des Landais

Le Sporting-Casino : Unique en son genre en France (classé à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 1991) il associait un casino et un complexe sportif comprenant des courts de tennis, un fronton, ainsi que des équipements de loisirs, théâtre,  cinéma, dancing, restaurant ...  Le premier bassin de natation d'été français, alimenté en eau de mer par le canal maritime, y fut inauguré en  1928.  

Le  terrain de golf :  Inauguré en 1930, les frères Gomez en construisirent le  club-house et la conciergerie. Hossegor station balnéaire et sportive devenait mondaine.

La façade du Sporting

Hôtel du Lac :  Grand hôtel luxueux édifié en 1925 par Henri Godbarge et les frères Louis et Benjamin Gomez ( actuellement résidence à appartements)


Hôtel du parc : Edifié en 1926 par les frères Gomez sur la base d'une ancienne villa (actuellement centre de vacances Azureva)


Hôtel Primerose : Edifié en 1930 par Louis Lagrange, puis agrandi par Henri Tison en 1939 (actuellement centre de convalescence)


Hôtel Beauséjour :  Edifié en 1931 par Henri Tison

Malgré l'absence de réglementation urbaine ou architecturale, toutes ces constructions faisaient preuve d’une grande homogénéité stylistique. Alfred Eluère s'étant retiré des sociétés immobilières en 1931 et élu maire de Soorts-Hossegor en 1935 (le resta jusqu'en 1972!), les initiatives publiques relayèrent les initiatives privées.





 Source images :

Cartes postales anciennes

Photothèque du Service Régional du Patrimoine et Inventaire -SRPI- d'Aquitaine 

A lire:

Claude Laroche:

Hossegor, 1923-1939 : Un moment d'architecture - Le Festin 1990

Hossegor (Landes), une station au cœur des réseaux de villégiature - Le Festin 1993

Hossegor, Landes - (collection SRPI Aquitaine - Itinéraires du Patrimoine - Le Festin 2004 

Pour les accros:

Diagnostics environnemental et patrimonial - AVAP de Soorts-Hossegor ( Aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine)