CRASSUS ET LES TARUSATES



Souvenons nous ! Ou plutôt, reportons nous au récit de César dans ses 
Commentaires sur la Guerre des Gaules (Livre III)

Donc nous sommes en 56 avant J.C. Jules César envoie son jeune lieutenant et légat, Crassus ( Publius Licinius Crassus) à la conquête de l'Aquitaine, dernière région insoumise . Venant de l'Anjou, ledit Crassus arrive sur place depuis l'Agenais, à la tête d'un corps expéditionnaire ( la sixième légion) de douze cohortes, soit à peu près 7000 légionnaires, renforcé d'auxiliaires gaulois recrutés dans les régions voisines, de vétérans de la Province romaine, venus de Toulouse et Narbonne, et de 1000 à 2000 cavaliers.

Cette armée parvient sur les terres des Sotiates. C est le seul peuple sur lequel les historiens semblent s''être accordés et le seul à avoir un roi et un oppidum situé à Sos en Albret (oppidum Sontiatum), entre Nérac et Saint-Justin. Ces Sotiates livrent un combat de cavalerie puis une bataile d'embuscade qui se soldent par des échecs. Contraints de se réfugier dans leur capitale ils y sont assiégés et finissent par capituler ( une sortie dirigée par leur chef Adiatuanos a même lieu pendant les pourparlers) .

Après cette première victoire,Crassus marche sur les terres des Vocates ( pays de Bazas) avant de descendre vers le pays des Tarusates .
Les Aquitains, prévenus de la chute rapide de leurs voisins, se coalisent et rassemblent des troupes, sollicitent le concours des états espagnols, et se préparent à la résistance pour éviter que l'ennemi atteigne les terres fertiles au Sud de l'Adour. Au vu de la prise rapide de Sos, selon César, ils renoncent aàsoutenir de nouveaux sièges et adoptent la tactique des camps fortifiés depuis lesquels des courses sont organisées pour intercepter les vivres. Et, c'est sans doute dans un de ces camps qu'ils se rassemblent. Ils sont bientôt 50 000.

Crassus, en infériorité numérique, déide d'attaquer au plus vite et se met en ordre de bataille. Les Aquitains refusant le combat, les romains assaillent le camp où l'ennemi est regroupés et retranché. Ayant repéré une faiblesse de la fortification à l'arrière du camp qui offre sur ce point un accès facile, Crassus y envoie sa cavalerie et quatre cohortes toutes fraîches, en faisant un long détour, pour dérober leur marche. Les romains forcent alors l'entrée et pénètrent dans le camp par surprise. C 'est alors la déroute des Aquitains qui fuient.

En rase campagne la cavalerie romaine écrase les fuyards. A la nuit de ce dernier combat César précise que seul un quart des 50 000 ennemis en réchappe. Ce qui suppose 35000 morts !!!



Au bruit de cette défaite, la plus grande partie de l'Aquitanie se rend à Crassus, et envoie d'elle-même des otages. De ce nombre sont les Tarbelles(Dax), les Bigerrions ( Bigorre?), les Ptianes (Orthez?), les Vocates(Bazas), les Tarusates(Aire), les Elusates (Eauze), les Gates ( ?), les Ausques (Auch), les Garunni ( haute vallée de la Garonne), les Sibuzates( Saubusse?), et les Cocosates (entre Lesperon et Sindères?) Quelques états éloignés se fiant sur la saison avancée, négligent d'en faire autant

C'est cette seconde bataille qui acheva la conquête et la soumission de l'Aquitaine par les romains. Commença alors l'occupation (Certains auteurs précisent que quatre cohortes occupèrent le pays des Tarbelles et six celui des Cocosates, entre 56 et 27 avant JC)



Tout cela se passa à la fin de l'été de l'an 56 avant J.C mais où exactement ?


Le lieu de ce dernier combat n'est toujours pas déterminé. Plusieurs auteurs distingués se sont cassé les dents sur l' affaire, parfois avec passion, prêts à en venir aux mains pour soutenir des versions contradictoires .



Toute le problème découle de la difficulté de localiser avec certitude le peuple des Tarusates. Malgré l'apparente parenté avec Tartas (qui n'existait pas au temp de la conquête romaine), les historiens ont tendance à les situer au bord de l'Adour et les identifient avec les futurs Aturenses à Aire sur l'Adour, en tout cas dans le Tursan.

L’hypothèse d'Aire sur l’Adour (Atura), semble pouvoir s appuyer sur la topographie du site qui permet le positionnement des adversaires et les manœuvres de Crassus pendant la bataille tels que décrits par César. Les partisans de cette option ( Samazeuilh - Sorbets) évoquent la mémoire collective qui a gardé des traces qui se traduisent dans la toponymie des lieux qui jouxtent l’endroit supposé où se livra la bataille.Ainsi, sur la colline appelée Bois de Cazamon, à l'Est, était une enceinte circulaire entourée de fossés. Tout près se trouvait un poste appelé Castra de Cesar. En arrière se trouvait également le tuc de Mireloup. Enfin, à l' ouest, la hauteur de Lasserre appelée camp de Pompee. Au centre, l'oppidum Tarusatium fortifié sur le plateau ( emplacement de l'église du Mas) devenu Civitas Aturensium puis Vicus Julii. Reste cependant à déterminer la destination de chacun de ces lieux. Aucune découverte de vestiges probants ne permet de corroborer ces affirmations

D'autres auteurs (Tauzin) répliquent que César évoque deux camps proches: le camp romain abritant 8 a 10 000 hommes, le camp aquitain bien plus étendu puisque renfermant 50 000 hommes. De plus, ces camps doivent etre proches d'un grands espace découvert (apertissimis campis) ou la cavalerie romaine poursuivit les vaincus ( fines rapproché du mot apertissimis campis du commentaire de César indique que la bataille a été livrée dans un vaste pays découvert)
Par ailleurs César ne fait aucune allusion à l'Adour qui coule au pied d'Aire
Les Aquitains ayant renoncé a se défendre dans leur oppidum, Crassus ne les rencontra donc qu'ailleurs.

C'est pourquoi l'abbé Tauzin, excluant que la bataille ait eu lieu à Aire, opte pour les hauteurs du village de Miramont-Sensacq (le camp des aquitains- il existe le tumulus dit Motte de Lamarcade, contenant cendres, ossements calcinés et poteries indiquant qu'un nombre important de corps y furent brûlés en même temps) et Sarron, entre Segos et St Agnet-entre les maisons L'hoste et Bourg Dieu -  (le camp des romains)

Sur cette même base, chaque historien la place sur un des multiples castra des collines bordant l Adour.( Cazères pour Tartière - Souprosse pour Fallue, …)

Dompnier de Sauviac place le lieu de la seconde bataille au castra de Saint Loubouer ou à celui de Samadet (chronique de la cité d' Acqs), bien que plus éloignées de la plaine.

Sorbets la situe dans un périmètre entre Cazaubon, Roquefort et Saint Cricq Marsan.

Camoreyt évoque une carte de Robert en 1753 où figure un rectangle indiquant un camp de César sur la rive droite de la Douze entre Cazaubon et Mauvezin.

Pour d'autres c'est aux environs de Geaune.

Le célèbre Camille Jullian, lui, place la bataille dans la plaine de Bégaar, le camp romain ( Apertissimis campins)sur un coteau de Tartas, et les ennemis sur la légère hauteur de Bégaar.

On patine dans la semoule !!

* A propos de l'endroit où Crassus rencontra les députes aquitains venus se soumettre, M Chaudruc de Crazannes ( Nouvelles considérations sur les sotiates - Recueil des travaux de la socieété d 'agriculture, sciences et arts d'Agen-Tome VI 1852).... évoque une ancienne tradition qui veut le situer sur l'emplacement du village de Lannepax qui offrait une vaste lande qui reçut le nom de Lanae pax ( la lande de la paix) qu'elle a conservé.