DE SEVERUS A L'ABBATIALE...



Saint-Sever ...entre histoire et légende, mythe ou réalité.


L'église abbatiale de Saint-Sever classée monument historique depuis 1911  a été  inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1998, au titre des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en France. Les bâtiments conventuels qui lui sont accolés ont été classés en 1997. Or ces monuments sont les derniers témoignages d'une longue histoire de plus de mille ans.

Plan cavalier extrait de Monasticon Gallicanum 1678
(collection Peigné-Delacourt 1869 - AD Landes )

Le même extrait de l'Historiae monasterii S. Severi libri X
 de D. Petro Daniele Du Buisson
(Edition de 1876-Aire- par J.F. Pedegert  et A. Lugat)


Au début donc, fut Severus.

Celui-ci, Goth ou Vandale, Scythe ... voire romain selon les sources (!), et converti au christianisme, aurait été envoyé par le pape évangéliser les provinces gasconnes issues de la Novempopulanie gallo-romaine devenues chrétiennes et persécutées alors par les conquérants Wisigoths. Sa prédication ne manqua pas de s'achever comme ailleurs par son arrestation et sa décapitation au Ve siècle, vers 407 selon les uns, 445 selon les autres, au pied du castrum du Palestrion. La tradition situa son martyre sur la cote de Brille qui monte depuis l'Adour jusqu'au plateau de Morlanne. On aurait alors fait construire une première chapelle sur le tombeau du martyr.

Au Moyen Age, l'abbaye, étape de la voie de Vézelay vers Compostelle., ne manquait pas de revendiquer , parmi d'autres, la possession de la relique de Saint-Sever. De fait, il est difficile d'en suivre le périple. Ainsi on en  retrouve le crane échangé contre du blé à Jaca en Aragon, caché puis rapatriée d'Espagne( par un ange !), alors qu'une autre partie aurait été transportée en l'église Sainte-Eulalie de Bordeaux avec celles de ses compagnons  pour échapper aux destructions des grandes invasions. La chasse en argent doré ornée de pierres contenant la relique ayant été enlevée par les huguenots en 1569, et le crane détruit, les moines obtinrent la permission de retirer du reliquaire de l'église Sainte Eulalie une partie des restes de Saint-Sever dont la translation eut lieu en 1716. La restitution totale intervint en 1875. Le reliquaire baroque en bois peint doré aujourd’hui exposé dans la salle du Trésor date 1782

Reconstitution 3D de Laurence Stefanon 
  (http://www.plume-et-pixel.fr/index.html)


l'abbaye de Saint-Sever.(Monasticon Gallicanum)


Puis fut Guillaume Sanche (et son épouse Urraca de Navarre, veuve du comte de Castille)

A la fin du Xe siècle, ce duc de Gascogne devant repousser une incursion des Normands sollicita intercession et protection du saint martyr et fit le vœu d'élever un monastère sur sa tombe au cas de victoire. Celle ci serait alors intervenue à la bataille de Taller vers 982 ou 983 durant laquelle Saint-Sever serait même apparu en chevalier galvanisant les troupes gasconnes !  En tout cas, c'est ainsi que fut justifiée la fondation aussi politique que religieuse, ici comme ailleurs, du monastère en 988. Gombaud, le frère du duc  et évêque d'Aire, Bazas et Agen dut y prendre sa part.

Plan de l'église abbatiale 


Enfin vint Grégoire de Montaner.

Ce membre du lignage des vicomtes de Montaner fut appelé à la tête de l’abbaye en 1028. C'est sous son abbatiat qui se prolongea jusqu'en 1072 que l'abbaye acquit une puissance et un éclat uniques dans la Gascogne. Grâce aux libéralités des ducs et à l'action habile de l'abbé, le prestige et la puissance du temporel de l’abbaye s’accrurent considérablement dans toute l'Aquitaine. L'expansion foncière et économique et le rayonnement de l'abbaye atteignirent leur apogée dès la fin du XIe siècle, avec de vastes domaines acquis autour du monastère (villas, terres, églises, prieurés) puis en Agenais, Bazadais, Pays de Born (prieuré de Mimizan), Médoc(basilique de Soulac), et même en Navarre espagnole. L'abbé de Saint-Sever gouverna également l'abbaye de Sorde, les diocèses de Lescar, Dax, et un temps Lectoure.

C'est à la suite d'un incendie survenu vers 1060 que commença la reconstruction d'une église abbatiale plus imposante sur un plan bénédictin (chevet à sept absides échelonnées) qui ne fut achevée qu'au début du XIIe siècle avec des tribunes de transept et des chapelles d'étage.


Cette vaste église (71m de long, 40m de large pour le transept, et 31m pour la nef ) est un monument exceptionnel de l'art roman en Gascogne, par son plan, son élévation, et sa sculpture. Elle est le témoignage historique et architectural du rayonnement de l'abbaye de Saint-Sever.

Elle représente en particulier un rare exemple en France de chevet accompagné de ses six absidioles échelonnées de profondeur décroissante. On peut y découvrir 150 chapiteaux dont 77 authentifiés comme étant romans, de la fin du XIe siècle au début du XIIe siècle, les autres étant modernes. Des chapiteaux corinthiens côtoient des chapiteaux à décors figurés et des chapiteaux historiés. On y retrouve des motifs végétaux, (absidioles nord) des représentations animales et des personnages (absidioles sud) et des scènes bibliques (collatéraux, chœur, nef) .Les chapiteaux polychromes à décor de lions sont du XIe siècle. Les bas-côtés voûtés d'ogives et éclairés de fenêtres à remplage rayonnant sont des restaurations des XIVe et XVe siècles. Des colonnes de marbre, et trois chapiteaux gallo-romains, réemployées dans le chœur et le transept, proviendraient du palais des gouverneurs sur le site antique voisin de Morlanne.

les chapiteaux

Malgré tout, le déclin, amorcé avec la fin du duché de Gascogne, se précipita avec la guerre de Cent Ans . L'abbaye déjà endommagée par un tremblement de terre en 1372 dut souffrir plusieurs fois les dégâts des conflits armés ......jusqu'aux guerres de Religion. Entre 1569 et 1572  les troupes protestantes de Montgomery la saccagèrent et la ruinèrent.les bâtiments conventuels qui avaient été reconstruits en 1435. Ce n'est qu'à la fin du XVIIe siècle que furent entrepris par les moines de la congrégation de Saint-Maur, les travaux de réfection de l'abside et certains bas-cotés.de l'église et le rétablissement des bâtiments. Cette restauration se poursuivit jusqu'au début du XVIIIe siècle.

Plan de l'abbatiale et des bâtiments conventuels au XVIIe siècle
(source SRPI Aquitaine)


Les moines furent finalement chassés à la Révolution. L'abbaye désaffectée, les bâtiments conventuels furent lotis et vendus. C est ainsi qu'une grande partie de ceux-ci est toujours occupée par la mairie et les administrations de la ville qui a depuis peu acquis les parties attribuées à des particuliers et ainsi pu restaurer l'intégrité du cloître originel.


L'église abbatiale rendue au culte paroissial (1795) "bénéficia" (?) ensuite de plusieurs restaurations au cours du XIXe siècle. De cette époque datent la réfection de la façade et de la nef , mais dans un style néo-roman qu'on peut discuter.... et le bariolage de plusieurs chapiteaux.  Le clocher ne fut remonté qu'en 1933.

détail de la sortie du Saint-Sacrement ( gravure du XIXe siècle)

L'intérieur de l'église abbatiale est actuellement (2015) en plein travaux de restauration, 
et donc en chantier, et des parties non accessibles 


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Pour tout savoir ou presque sur l'abbaye ,  il faut se reporter

Aux actes du Colloque international sur l'abbaye qui eut lieu  a Saint-Sever les 25 26 et 27 mai 1985 a l'occasion du millénaire de sa fondation

Aux divers écrits de M Jean Cabanot, dont le dernier (avec M Georges Pon) -.Une abbaye au cœur de la Gascogne, Saint-Sever (988-1791) ed GEHAG Dax 2014



Un manuscrit écrit par Dom Pierre-Daniel Du Buisson, bénédictin de la congrégation de Saint-Maur au XVIIe siècle (1681?), et  conservé dans les archives de la ville,  a retracé (en latin) l'histoire de l'abbaye. Cette Historiae monasterii S. Severi libri X a été publiée en 1876 ( Aire, L Dehez) par MM. Pédegert, chanoine d'Aire, et M. Lugat, curé de Villeneuve-de-Marsan. Mais elle basée sur des transcriptions de cartulaires ou copies d'actes  effectuées bien postérieurement à la fondation de l'abbaye, et donc peu vérifiables historiquement. On sait ce que les transcriptions par les religieux  offrent de suspect ou parfois de falsifications et de miracles inventés.


ou encore les vidéos de l'Office du tourisme de la ville
( plusieurs vidéos de visite numérique) 

le cloître.