L'ANCIENNE VISION DES LANDES

Il existe, à l'une des extrémités de la France, un pays exceptionnel, pays aussi singulier par son aspect que par les moeurs des populations qui l'habitent, pays plus inconnu pour la plupart d'entre nous que les crêtes des Apennins ou les déserts de la Thébaïde; ce ‎sont les Landes
extrait de l'Illustation du 01 mars 1847


L'HABITANT DES LANDES  SOUS LOUIS-PHILIPPE
extrait de
Les Français peints par eux-mêmes - Victor Gaillard -Encyclopédie morale du dix-neuvième siècle
. Tome 2 - Paris - L. Curmer- 1842


Léon Drouyn 
( Musée des Beaux Arts de Bordeaux)

" Ne cherchons pas à le dissimuler, les Landes, ce long désert qui commence aux portes de Bordeaux pour aller aboutir à l'embouchure de l'Adour, n'ont rien de fort séduisant, et flattent médiocrement notre amour-propre national. Cette contrée est sans comparaison la partie la plus disgracieuse du beau royaume de France, sous quelque point de vue qu'il plaise de l'envisager. Des sables brûlants pendant l'été, des marais et des abîmes en hiver, un pays malsain dans toutes les saisons, et des solitudes affreuses où l'horizon parait sans bornes, voila l'aspect des Landes, et surtout des cotes de l'océan, connues sous les noms de Buch, de Born et de Marensin".

Gravure de Gustave Doré
(source BNF)

PUIS VIENNENT
La plage éminemment hideuse, les plaines arides et les habitants aussi rares que chétifs qui errent sur ce sol désolé, la peuplade sauvage dont le costume, les manières et l'attitude sont des plus bizarres, la terre ingrate que laquelle végètent plûtot qu'ils ne vivent environ trente bipèdes par lieue carrée, absolument Français comme vous et moi, mais avec lesquels je répudie hautement pour ma part toute espèce de communauté de goûts et d'habitudes.

Th. Rousseau - Marais dans les Landes -
(Musée du Louvre)

" Petit et maigre, le Landais a le teint hâve et décoloré, les cheveux noirs et lisses, les yeux plombés et la physionomie morne. Ses traits impassibles, que le sourire anime peu, ont une expression méditative analogue à celle remarquée chez certains maniques. malgré sa constitution frêle, délicate et consumée par la fièvre durant la majeure partie de l'année, l'habitant des landes accomplit les travaux les plus rudes et brave toutes les intempéries atmosphériques".


" Toutes les femmes des landes , a peu d'exceptions près, naissent jolies et restent telles jusqu'à vingt ans; passé ce terme réellement fatal, elles se dessèchent à vue d’œil. Leurs traits délicats, la douceur et la beauté de leurs yeux disparaissent irrévocablement et font place dès lors à un ensemble repoussant dont la laideur n est bientôt plus comparable à rien".

photos Félix Arnaudin 1876

" Loin de pouvoir, dans leur jargon barbare, articuler des pensées ordinaires, c est a peine s'ils trouvent des mots pour exprimer quelques besoins physiques. Accoutumés à ne voir que les mêmes objets, à n'éprouver que des sensations uniformes, les habitants des Landes reportent sur leur caractère la monotonie sauvage du pays. Une ignorance profonde, une cupidité mesquine, de l'apathie portée au plus haut degré, et un excès de misère tel, qu'il émousse jusqu'au sentiment du malaise, les rendent incapables d'énergie, et pour ainsi dire de réflexion".

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" Façonnés dès le berceau à la superstition la plus absurde, les Landais accueillent avidement les traditions comme les contes de sorciers et de revenants"

J. L. Gintrac - Habitants des Landes -
(Musée des Beaux Arts de Bordeaux)

Landais se rendant au marché (source BNSA) 



SEULS A TROUVER GRACE:
Le citadin landais  "au résultat, un homme comme un autre" bien qu'aimant le jeu et la bonne chère. Et les femmes des bourgs et villes, "particulièrement celles de Dax que les bons appréciateurs du genre regardent comme la quintessence du beau sexe landais. Il est rare, en effet, dans une ville d'égale population, de rencontrer autant de femmes plus remarquablement jolies et dotées de charmes si attractifs. Chez les Dacquoises, la faculté de plaire est puissamment favorisée par un naturel doux et prévenant, de la gaité et du trait dans la conversation".



Corot - Souvenir des Landes -
(Musée d'Orsay)

HABITATION
" Sale et ignoble que l'Esquimau et un Hottentot dédaigneraient à coup sûr, ou se rassemblent quelquefois jusqu'à trente à quarante personnes. la pièce principale est une immense cuisine dont le foyer est garni tous les soirs d'une chaudière dans laquelle la doyenne de la famille agite l'escoton qui fait la jubilation des Landais. En arrière se pressent des femmes filant en silence, des enfants attendant leur pâtée, et des hommes qui s'entretiennent invariablement du loup-garou en crédit ou de la résurrection du dernier sorcier enterré.De la cuisine on passe dans des bouges obscurs et privés d'air: ce sont les gynécées landais, avec cette particularité que, vieux et jeunes, hommes et femmes, s'y blottissent pèle-mêle durant la nuit, les uns par terre sur des peaux de mouton, les autres, sur de mauvais grabats entre deux lits de plume, où ils supportent une
chaleur qui ferait durcir des œufs".

On peut s'en faire une idée par cet intérieur de ferme de la Haute Lande à la fin du 19ème siècle
(photo F. Arnaudin-coll musée d'Aquitaine)
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Th. Rousseau - Ferme dans les Landes -
(coll. Clark Art Institute USA)

BERGERS
" La classe des bergers est la plus nombreuse comme la plus misérable. Presque toujours éloigné des habitations, chaque pâtre est ordinairement nanti d'un petit sac de farine de millet ou de maïs, de lard excessivement rance, et d'un chaudron pour apprêter l'inévitable escoton ou faire bouillir son eau dont il corrige l'odieuse qualité avec du vinaigre et un peu de sel.Des semaines entières se succèdent, souvent, sans qu'il entrevoie figure humaine. Perché sur de longues échasses qui le grandissent de six pieds, et avec lesquelles il semble né, il enjambe les bruyères, traverse les marais, lutte de vitesse avec les chevaux sauvages du pays, ou erre à l'aventure en tricotant et filant la laine de ses moutons".



Landais
(la France pittoresque)





Théophile Gautier traversant les Landes en 1840 confirme :
" Les landes recommencent plus tristes, plus décharnées et plus mornes, s'il est possible; des bruyères, des genêts et des pinadas; de loin en loin, quelque fauve berger accroupi gardant des troupeaux de moutons noirs, quelque cahute dans le gout des wigwams des Indiens: c est un spectacle fort lugubre et fort peu récréatif. On n'aperçoit d'autre arbre que le pin avec son entaille d'où coule la résine. Cette large blessure dont la couleur saumon tranche avec les tons gris de l'écorce, donne un air on ne peut plus lamentable a ces arbres souffreteux et privés de la plus grand partie de leu sève. On dirait une foret injustement égorgée qui lève les bras au ciel pour lui demander justice.

Cela lui inspire son fameux poème Le pin des landes ( On ne voit en passant par les Landes désertes,Vrai Sahara français, poudré de sable blanc,Surgir de l'herbe sèche et des flaques d'eaux vertes,D'autre arbre que le pin avec sa plaie au flanc etc)

Victor Hugo évoque ces mêmes impressions en 1843


C'est vrai que le paysage n' est pas engageant !
(ph F. Arnaudin)


J. Dupré - les Landes -
(Musée du Louvre)

R. Oudot - route de Magesq -1907


« Le Landais, en général, ne sait ni lire, ni écrire. Il ne comprend pas le français ; il n’a d’autres lieux de réunion que l’église, où il se rend par habitude et l’auberge qu’il fréquente par goût. Le reste du temps, il erre seul dans la lande et les pignadas .
« Si l’année est dure, il restreint son ordinaire, déjà si misérable, déserte les assemblées, se renferme chez lui et attend, morne et triste, que les beaux jours reviennent. »


(Rapport du Préfet des Landes au ministre de l’Intérieur, le 31 décembre 1858)




vision  originale


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et une vision moderne


dessin de Bernard Chapu


dessin de Gilles Lafitte dit Lasserpe
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article  relatif à l'évocation des Landes par les voyageurs des XVIII et XIXe siècles et la construction du mythe du désert exotique