Au beau milieu des Grandes Landes
et à un kilomètre au nord du bourg de Sore, on traverse un petit quartier
bizarrement nommé « la Ville »
situé sur les hauteurs qui dominent la rive droite de la Petite Leyre. Rien de
spectaculaire ici, sinon quelques maisons au bord de la route qui mène à
Argelouse, mais, en contrebas et plus surprenants en ce lieu, les restes d'une
porte fortifiée médiévale au bout d'un chemin de traverse descendant vers un
ancien moulin.
Ce modeste vestige posé là, isolé,
n’est autre que le dernier souvenir du castrum Sorae ou Sora et du bourg fortifié à l'origine du village actuel de
Sore. Ici s'élevait en effet, aux XIIe ou XIIIe
siècles, un château disparu qui faisait partie des plus anciennes
possessions des sires d'Albret.
la Porte dite des Anglais
la même, vers l'intérieur
L’occupation de ce site, que
certains auteurs font remonter à l’époque gallo-romaine, est certainement très
ancienne, près d'un carrefour de voies importantes. La principale, l'Estrade de Morderet venait de Langon et
Bazas et se dirigeait vers Moustey pour rejoindre, à Liposthey, la grande voie de Tours. C’est
cettee voie secondaire qui fut par la suite fréquentée par les pèlerins vers
Compostelle. Une autre voie, le Camin de Bourdéou, venait de Bordeaux en ligne
droite, aboutissait à la précédente au pont dit de la Boumbe, avant de parvenir au quartier de
Piquoy. Elle se dirigeait ensuite vers Labrit, Dax et le port d'Albret, ou Mont
de Marsan, par les quartiers de
Castaing, Le Stoucs, Pendribot, ou Le Thus.
C'est cette situation de passage de
voies et de franchissement de la Leyre qui semble avoir justifié l'édification
d'un camp puis château pour en assurer la surveillance et les péages
D’autres promontoires et camps voisins protégeant ces passages sont aussi
évoqués par la tradition locale aux lieudits Castelsarrazin, sur la rive
droite, vers Argelouse, Castet Merle,
plus loin, sur la rive gauche de la Leyre, et Pichouret.
A l’ouest du site, un promontoire
qui a gardé le nom de "Lous Castéras", évoque bien, sans remonter à l'époque
gallo-romaine, l'implantation vers le Xe siècle d'une motte castrale faite de
fortifications de terre utilisant les défenses naturelles des ravins de la
Leyre et des ruisseaux de Picoy et des Arrocqs.. On y a distingué un double
camp fortifié dont le plus élevé surplombe un ravin profond qui le sépare de la
Ville et est encore entouré d'un tertre en terre d'une largeur de près de cinq mètres,
en haut duquel on aperçoit encore dans certains endroits un triple fossé. Bien
sûr,il ne s’agissait encore que de fortifications faites de simples talus, de
palissades et de modestes ouvrages en bois
Au-delà, le plateau domine les
rives de la Leyre qui l’enserre de trois cotés. Le dernier coté, au nord, endroit
le plus faible, semble avoir été protégé par un fossé ayant jusqu’à 20 mètres
de large et deux à trois mètres de profondeur, dont on peut deviner des traces
quelque peu effacées par le temps.
vieille maison à l entrée de La Ville
Ce ne serait qu'au XIIe siècle
que le seigneur d'Albret aurait été autorisé par Aliénor d'Aquitaine à
construire, ou reconstruire, un château sur l'emplacement de ces anciens Castéras, à l’extrême
ouest du site, en aplomb de la Leyre..Puis, au milieu du XIIIe siècle, vers
1270-1280, Amanieu VII d’Albret, semble y avoir entrepris une vaste campagne de
rénovation et amélioration, comme il le fit dans ses autres forteresses de
Labrit, Aillas, et Castelnau de Cernès. D‘ailleurs, les premières
mentions attestant de l’appartenance de Sore aux Albret datent de cette époque.
La défense était assurée par une enceinte
vraisemblablement de terre plus que de
pierre, rare ici, mais pourtant pourvue de trois portes fortifiées. L'une
située à l'est du plateau a été démolie en 1784, une partie des pierres ayant
servi à la construction de l'ancien
presbytère. Une autre située au nord-ouest, a été détruite en 1836 pour en récupérer les matériaux destinés aux travaux des culées du pont de
Pouchiou reliant le bourg de Sore au quartier du Douc.
Ne restent ainsi aujourd'hui, au
lieu dit le Moulin, que les vestiges de la partie basse de la porte sud connue
sous l’appellation de porte des Anglais, comme témoignage de leur longue
domination sur le pays. C’est un ouvrage massif, en pierre et "garluche", d’une
épaisseur de 3 mètres, construit dans la seconde moitié du XIIIe siècle. Sa
face extérieure présente un grand arc en anse de panier puis un arc brisé
surbaissé, plus étroit et plus bas, en avant duquel subsiste l'emplacement de
la herse qui renforçait l'entrée. Deux trous d'assommoir sont percés dans la
voûte de l'arc, en avant de la herse. La
clé de voûte de l'ogive en pierre blanche est curieusement ornée d'un chrisme
sculpté (Monogramme du Christ - JHS-) découvert près de là et replacé ici. Sur
la face intérieure de la porte, on peut remarquer les traces d'une tourelle
disparue et son escalier à vis. Cette porte a été inscrite à l'inventaire des
Monuments Historiques le 7 octobre 1992.
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Le site originel des Castéras fut
ensuite occupé par un hospice, puis maison de retraite, construit au sud de la motte castrale. Le
moulin du XVe siècle a disparu sous les transformations et agrandissements. Egalement disparu, à
l'extérieur de la Ville, un ancien Hospital des pèlerins et son cimetière.
Enfin, une ancienne chapelle ruinée qui fut restaurée au XVIIe siècle, et que
le cadastre du XIXe siècle, dit de Napoléon, mentionnait encore comme chapelle
de l'Hospital, a été finalement désaffectée en 1885, puis transformée en grange
à foin avant de finir par s'écrouler en
1965. Il ne reste plus aujourd'hui de cette chapelle Saint-Rémy qu'un pan de
mur ruiné.
vue de l'ancienne chapelle Saint-Rémy
ou chapelle de l'Hospital