Saviez-vous que c’est à Bastennes … et
Gaujacq, qu’on tira le plus anciennement connu et, pendant un temps, presque
tout le bitume employé en France, sinon en Europe ?
Non ?
C’est un peu normal car cela remonte à une
courte période allant du milieu du XVIIIe jusqu’au milieu du XIXe siècle.
On connaissait ici depuis longtemps plusieurs sources sulfureuses
ramenant parfois du bitume à la surface et où il formait des dépôts, comme à
Caupenne. A Gaujacq, l’on voyait suinter un liquide huileux noirâtre à
quelques mètres de profondeur. Lorsque le minerai effleurait, on l’exploitait dans de petites
mines artisanales. En effet, dans cette région de plissement du nord des Pyrénées, dont la géologie complexe a fait
le bonheur des minéralogistes et des collectionneurs de cristaux d’aragonite ou
de quartz, le bitume (différent du goudron qui n’existe pas à l’état naturel,
ou de l'asphalte qui est un mélange de bitume et de granulats) et ici à l'état solide, remontait
par des fractures et fissures du soulèvement et imprégnait alors les sables
fauves du tertiaire et les bancs de molasse coquillière ou falun ( fossiles de
coquillages et dents de poissons).
Extrait de la carte géologique du département des Landes de Eugène Jacquot -1873
C’est ainsi qu’il
existait là, sur le penchant de deux collines allant du SE au NO depuis
Bastennes jusqu'à Gaugacq , « l'espace d'une lieue, sous 1,5 à 2
pieds de terre végétale et 2 pieds de sable quartzeux, plusieurs couches de 2,5
pieds d'épaisseur de molasses agglutinés par du bitume, séparées par du sable ».
Extrait de la carte minéralogique des Pyrénées de Louis Galabert - 1831.
Depuis Dax, un certain Duché de Vanci,
gentilhomme accompagnant et relatant le voyage de Philippe d’Anjou appelé au
trône d’Espagne, écrivait le 2 février 1701 :
« Un capucin
nous dit, en parlant de ce qu’il y avait de curieux à voir dans le pays, qu’à trois
lieues de Dax, en un lieu nommé GOYAC, dans les Landes, qui est à M. de
Sourdis, on avait trouvé, depuis trois ans, des sources de bitume, qu’il nous
nomme bitumières, ce qui doit produire un grand profit. Ce bitume est une
liqueur qui sort de la terre, et qui, étant fondue, se transporte dans les
barriques. On s’en sert pour enduire les vaisseaux, au lieu de goudron, et
l’usage en est beaucoup meilleur. Il nous dit qu’il y avait dès à présent
dix-sept fourneaux qui travaillaient ; et que chaque fourneau fondait de
dix-huit à vingt barriques par jour ; que chaque barrique contenait deux
quintaux et demi, et que le quintal se vendait dix écus ; cela étant,
voilà une belle découverte que l’on a faite ».
Une lettre de M. Arnoul à M de
Pontchartrain contrôleur général en juillet 1700 (Archives de Bayonne)
indiquait :
« C’est
un bitume mêlé de terre que la force du feu sépare et liquéfie, et pour le
raffiner on met dans un fourneau une couche de vois qui lève un peu sur le
derrière et le bout de devant aboutit dans un conduit ou réservoir ; sur
cette couche de bois on met une couche de mine et on fait de cette manière
diverses couches de bois et de mine jusqu’à ce que le fourneau soit plein.
Ensuite on met le feu au bois qui fait que la mine se fond, se raffine et coule
par le conduit ou canal qui est au milieu dans le réservoir qui est sur le
devant du fourneau. On prétend de cette matière est infiniment meilleure que les
autres sortes de brai dont on se sert ordinairement qu’il en faut beaucoup
moins pour oindre les vaisseaux et pour le bordage et que ce brai vaudra mieux
que celui de Dalmatie ; on en a déjà envoyé dans divers ports de mer pour
en faire des épreuves »
L’exploitation de ce bitume Chalossais est confirmée par un mémoire repris par le Mercure
de France en 1725, puis par M. de Secondat qui en donne un extrait dans ses
Observations de Physique … en 1750.
« Dans la
paroisse de Bastennes, juridiction de Gaujacq, et celle de Caupenne,
limitrophes de l’une à l’autre, situées dans la Chalosse …. se trouve une mine
de bitume, dans un banc continu et si étendu qu’il n’a pas été possible
jusqu’ici de comprendre où peut en être le centre, non plus que toutes les
extrémités.
A Caupenne
avant l’établissement fait pour l’épurement de cette matière, on y en avait vu
de tout temps une mine ouverte, mais dont on ne faisait que fort peu d’usage,
parce que ce bitume étant mêlé avec beaucoup de terre, et d’autres matières qui
lui sont étrangères, et d’une nature différente, on ne pouvait s’en servir
qu’avec beaucoup de peine. A Bastennes, au contraire, ce bitume s’y étant
montré que fort peu de temps avant qu’on y construise des fours et d’autres
bâtiments nécessaires au dépouillement de ce qu’il y a d’impur, on de s’en
était encore point servi. Cependant comme cette matière est beaucoup moins
chargée d’autre matière étrangère, et y est beaucoup plus onctueuse qu’à
Caupenne, on y a fait construire des fours, et ce qu’on a jugé de plus
convenable pour séparer cette matière de ce qui peut en altérer la beauté et la
bonté.
Ce bitume
s’est découvert par une extrémité sur le penchant de deux collines exposées du
nord à l’ouest, et ces collines au milieu du penchant, desquelles on a fait
l’ouverture de la mine, sont assez rapides, surtout à Bastennes, pour y faire
rouler du haut en bas par leur propre poids les terres et les déblais. Cette
mine se découvre assez facilement à Caupenne ; et comme le banc y suit
assez parallèlement la superficie de la terre dans la pente de la colline, à la
profondeur de 4 ou 5 pieds, il est des endroits où les coulants des eaux
orageuses la mettent réellement à découvert, et le banc y est d’une telle
épaisseur que l’on peut en tirer beaucoup avec peu de dépense ; mais outre
qu’il y est mêlé de beaucoup de terre, il renferme beaucoup de soufre qui le
consomme extrêmement dans la séparation, et de façon même qu’on ne peut en
tirer que fort peu d’épuré.
Pour ce qui
est de la partie de la mine ouverte à Bastennes, elle se trouve beaucoup plus
onctueuse, et beaucoup plus remplie de fin, jusqu’à une certaine différence du
fond one parlera dans la suite ; mais le bitume y est beaucoup plus
difficile à tirer, et avec beaucoup plus de dépense. Comme on avait vu par les
ravines qui le découvrent à Caupenne, que le banc suivait assez parallèlement
la superficie de la terre dans sa pente, la mine de Bastennes s’étant montrée
environ à même profondeur, on avait jugé qu’elle devait être de même, et dans
cette pensée, l’on y a fait l’établissement des fours dont j’ai parlé ;
mais on a connu par le travail que l’on s’était trompé quant à la disposition
du banc. Ce banc qui se montre là à l’ouverture de la même façon qu’à Caupenne,
au lieu de suivre la superficie de la colline dans sa pente, s’y trouve de la
même manière que l’on voit les nues en l’air ; c’est à dire, enflé ou
épais dans des endroits creux, ou minces dans d’autres, d’une manière très
raboteuse, et toujours néanmoins sans discontinuation, mais
horizontalement ; de sorte que plus on en découvre en tirant vers la
hauteur de la colline, plus il y a de terre à déblayer.
Ce banc qui
s’est ainsi formé, selon toutes les apparences, des exhalations des feux
souterrains, entretenus par les Mines de Bitume concentrées, doit vraisemblablement
avoir un centre, dont les extrémités, comme celles qui paraissent, ne seraient
que des écoulements. Ce banc, dis-je parait dans son lit comme une espèce de
pierre noire d’une telle dureté, que l’on ne peut la séparer qu’avec beaucoup d’effort,
et si difficilement, même avec quelque instrument tranchant, ou cassant, que
puisse être, que l’on est obligé de la miner d’une manière toute
singulière ; en effet, l’on ne peut en venir à bout qu’avec des aiguilles
rougies à un fourneau construit tout auprès. On ne peur vider la Mine qu’avec
des cuillères de fer aussi toutes rouges, et nul tampon n’y peut tenir de
quelque nature qu’il soit, sinon du Bitume même. Il est encore à remarquer que
dans la mine de Bastennes, dont le fond du banc est beaucoup plus rempli de
souffre, que vers la superficie, on voit dans cette partie basse des effets de
la nature toujours agissante aussi surprenante qu’admirable. L’extrémité de ce
banc qui touche à la terre qui lui sert de lit, semble un composé d’écailles de
toutes sortes de poissons ou coquillages, principalement d’écailles d’huitres,
aussi bien formées, aussi solides, et de la même nature que celles que l’on
tire de la mer, et depuis ce fond jusqu’au milieu de l’épaisseur du banc, l’on
trouve différentes petites parties cernées, si l’on peut se servir de ce terme,
dans le corps du banc, d’une manière si délicate, que l’on ne peut en connaitre
le division, ou le détachement que par le sortie de ces petites parties du
corps, dans lequel il semble qu’elles ont été cernées. Ces parties ainsi
séparées représentent donc différentes figures d’écailles, comme de Barennes,
de Moucles, de Pétoncles, outre celles d’huitres, etc…, mais d’une manière si
bien travaillée par la nature, que nul trait n’y manque, avec cette circonstance
cependant, que de ces petits corps, les uns paraissent depuis longtemps, et les
autres plus nouvellement disposés à représenter les figures auxquelles la
nature les avait destinés. Celles que l’on pourrait croire nouvellement
séparées de la masse, ne sont proprement qu’une partie, ou globule de bitume
massif, représentant le sujet pour lequel il était préparé, enveloppé d’une
superficie de souffre blanc comme la neige ; ainsi que l’on voit la fleur
sur de certains fruits, au travers de laquelle chaque trait parait d’une
inexactitude inexprimable. … »
Le Dictionnaire géographique, historique et politique
des Gaules et de la France indique en1762 :
« Le banc de bitume ressemble à une espèce de pierre noire, extrêmement dure, et dont il n’est pas possible d’enlever des parties sans faire beaucoup d’efforts. On est même obligé de se servir de grosses aiguilles de fer rougies au feu pour détacher quelques-unes de ces parties de pierre bitumeuses. Ensuite pour vider la mine on se sert de grands cuiliers de fer qu’on a fait aussi rougir a des fourneaux qui sont construits tout proche de la mine ».
Dans sa Géographie, Anton Friedrich Büsching précise
en-1779 :
« Bastennes est remarquable
par un banc de bitume qu'on y trouve : les mines en sont abondantes : il y est
sous la forme d'une pierre très dure et fort noire, il lie les pierres si
fortement qu'on ne peut plus les séparer qu'au feu. On s'en sert pour les
pavés, tel est celui de la place du Château Trompette, et pour les murs. Epuré,
il sert pour les vaisseaux, et cet enduit dure autant que les vaisseaux même ».
Au Château-Trompette
de Bordeaux:
« Les pierres qui servent de pavé aux remparts
de cette place, ont un pied de largeur sur deux de longueur ou environ. On a
employé par toise carrée environ 75 l de bitume, tant brut qu’épuré ; une
superficie de niveau en pente, ou autrement couverte de pierres cimentées et
liées, pour ainsi dire, avec ce bitume, pourrait résister et se soutenir
longtemps. Les remparts, par exemple, du Château-Trompette renferment en plus
sous des voutes, des casernes, et d’autres lieux semblables, d’une grande
étendue ; et quelque soin que l’on eut pris depuis leur construction de
les raccommoder tous les ans avec du mastic ordinaire, l’eau en avait cependant
toujours percé les voutes, et dès qu’il pleuvait, tout était inondé ; mais
depuis que l’on y a employé du bitume, tout y est fort sec, même dans les temps
les plus pluvieux »
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Avant
la Révolution, les produits de la bitumière de Bastennes exploitée par les
voisins du gisement étaient transportés par barriques à Bayonne pour servir aux
agrès de la marine, et alimentaient une
petite fabrique d’huile de pétrole à usage médicinal (veuve Pignal) construite
sur les lieux et à Dax. On employait même le bitume pour … « sceller les vases
où il y a de la liqueur ».
Puis, en raison des troubles qui
suivirent, les gisements furent négligés, si bien qu’on n’extrayait chaque
année guère plus de 2 à 3 barriques de 4 quintaux de minerai qui était expédié
à Bordeaux ou vers Bayonne par le port d’Hinx (d’où partait également le bois
des chênaies d’Amou, Caupenne, Donzacq, et Castel-Sarrazin, pour la
construction des vaisseaux royaux à Bayonne)
Le baron de Dietrich, commissaire du Roi à la visite des Mines écrivait
en 1786 à propos des couches d'asphalte dépendantes de la juridiction de
Gaujac :
« Elles sont sur
le territoire de Caupenne, frontière de Bastennes, au nord-nord-oust de la
maison d'Armentieu, appartenant à Pierre Boué de Bastennes ... Elles s'étendant
du nord-est au sud-ouest : dans le travail fait à taille ouverte sur cette
couche, on la trouve immédiatement sous le gazon, épaisse de quatre pieds, sans
qu'elle soit découverte jusqu'à son sol. La partie supérieure de la couche
d'asphalte, qui suit immédiatement la terre végétale, est brune sableuse ;
l'inférieure a une grande consistance et beaucoup de ténacité ; elle est infiniment
plus noire et plus riche en bitume ; il s'en trouve qui est mêlée d'un grand
nombre de très-petits galets. On voit du côté du sud-ouest, au territoire de
Bastennes, les anciennes fouilles faites par M. Poignon de Bordeaux sur cette
mine d'asphalte, dont une partie est remplie de très-petites coquilles marines.
On y trouve les ruines d'anciens fourneaux ».
Le
naturaliste dacquois J.-F. Borda d’Oro précisait, vers 1790, que le gisement de
la métairie d’Armentieu était un objet de commerce pour son propriétaire, mais
que les paysans de Bastennes ne cessaient d’enlever furtivement les restes de
celui qu’on exploitait auprès des fourneaux, ou l’arrachaient en fraude à coup
de pioches.
Un rapport lu à
l’Académie des sciences de Bordeaux le 26 aout1819 indiquant que le bitume ne
provenant que deux endroits en France, dont le plus estimé à Seyssel dans
l’Ain, précise que celui de Gaujacq dans les Landes « pourrait, au moyen de quelques soins, être amené à un état aussi
avantageux, et pourrait être très productif pour le pays"
Aussi,
l'exploitation
commencée vers fin du XVIIIe siècle reprit
vers 1820 et surtout après 1829, date à laquelle fut mis au point le procédé
permettant de séparer le bitume des corps étrangers agglomérés. Et elle ne fut véritablement
organisée sur une plus grande échelle qu’à partir de 1839 en raison des
possibilités d’un plus grand écoulement de ses produits.
L’extraction
du minerai se concentra à environ 800 mètres au N-NE du bourg de Bastennes,
dans le fond du vallon du ruisseau d’Arrimblar qui sépare Bastennes de Donzacq,
près de la métairie de Bordenave. Le banc de minerai dont les affleurements
s’étendaient sur environ 1 kilomètre, était extrait par des galeries
souterraines. Un gisement plus limité fut exploité plus tard dans la cuvette de
quelques hectares située sur le versant est de la colline du château de
Gaujacq.
Le
bitume extrait était placé dans des chaudières en fonte scellées dans des
fourneaux. On y versait de l’eau puis on chauffait en remuant avec une barre de
bois et en raclant le fond avec une pelle plate pour séparer le minerai du
sable. Le bitume qui surnageait à la surface était alors enlevé avec une
écumoire pour le mettre dans des barriques.
« En mêlant avec soin au bitume liquéfié
par la chaleur deux parties de chaux carbonatée en poudre, on en forme un
mortier homogène assez solide, lequel pétri ensuite avec un sixième de sable,
est employé avantageusement à Bordeaux dans la construction des
terrasses ; on en couvre entièrement les planchers, où l’on en remplit les
joints et les fentes des bois et des pierres … En ajoutant au bitume un
seizième d’essence de térébenthine ou à son défaut un peu de graisse, on en
fait un vernis liquide dans lequel on plonge les bois de construction destines à
être placés dans l’eau, et dont on enduit ceux qui doivent être seulement
exposes à l’humidité, ainsi que les cordages et les toiles »
Malgré
l’opposition des propriétaires de la surface réclamant la libre disposition des
gisements comme dépendances de la propriété du sol, deux concessions furent
accordées à Bastennes, par ordonnances royales de Louis-Philippe du 10 octobre
1839. Une redevance mensuelle devant être payée aux propriétaires des terrains
par quintal de minerai extrait et propre à être employé. Une concession dite d’Armentieu est accordée sur 81
hectares à MM. Victor Meyrac et François Thore. L’exploitation s’y fit à ciel
ouvert. Une autre dite de l’Echalassière
est accordée sur 68 hectares aux deux fils héritiers de Charles Lasserre.
L’Echalassiere : Délimitée à l’est, par
une ligne depuis un point situé à 280 m à l’est de Toutou, sur le chemin de
Bastennes à Bergouey, jusqu’à la maison de Le Grand Lanusse. Au nord par une
ligne du Grand Lanusse à Capdoubosq et de là à Lonné. A l’ouest par une ligne
de Lonné à Castelnau, et de là au point confluent du ruisseau de Castelnau avec
celui de la Tuilerie. Au sud-ouest et au sud, dudit point confluent, par le
ruisseau de la Tuilerie jusqu’au chemin de Donzacq à Baigts.
Armentieu : Délimitée à l’est et au sud par une ligne partant à 280m à l’est de Tourou sur
le chemin de Bastennes à Bergouey et allant jusqu’au point où le ruisseau de
Manhourat est coupé par une ligne menant de Tourou à Pinteou, et de là par le
ruisseau de Manhourat jusqu’au point où ce ruisseau est coupé par le chemin de
Mancestat à Bordenave, puis de là par une droite jusqu’au confluent du ruisseau
de Castelnau avec celui de la Tuilerie. Au nord-ouest et à l’ouest, depuis le
confluent précédent, en suivant le ruisseau de la Tuilerie jusqu’à sa rencontre
avec le chemin de Donzacq à Baigts, puis de là par la ligne séparatrice avec la
concession de l’Echalassiere ( ligne droite depuis le rencontre du ruisseau de
la Tuilerie avec le chemin Donzacq à Baigts jusqu’ au sommet de l’angle que
fait le chemin de Bastennes à Bergouey, qui passe au-dessus des bitumières et
par les habitations de Patience, de Bordenave, de Lartigaloun, de Bitume, de
Touron, etc…
Cinq
ans plus tard, deux autres concessions furent accordées à Gaujacq par
ordonnances royales du 19 avril 1844 : Une dite Labourdette, sur 45 hectares, à Nicolas-François Debray et
Cie ; l’autre, dite Pozat, sur
16 hectares, à M Lasserre et aux héritiers de la dame veuve Dufau. Là,
l’extraction était effectuée par galeries souterraines
Labourdette :
Au nord, ligne droite allant de l’angle sud de la maison Bayle du Bas à l’angle
sud de la maison Legué, puis de là à l’angle SE de la maison Mirande, puis de
ce point à l’angle est de rencontre du chemin du château à l’église avec celui
de Gaujacq a Bastennes. A l’est, ligne droite à partir du point précédent en
suivent la limite septentrionale de chemin de Gaujacq a Bastennes jusqu’au
point où il est rencontré par e prolongement de la façade est de la maison
Quillon, puis de là par la ligne droite aboutissant à l’angle NE de la maison
Patché. Au sud, par une ligne droite depuis le point précédent jusqu’à l’angle
est de la maison Thomas. A l’ouest, ligne droite depuis le point précédent
jusqu’à l’angle Sud de la maison Bayle du Bas.
Pozat : Au nord, ligne droite depuis l’angle est de rencontre du chemin du château à
l’église, avec celui de Bastennes à Gaujacq, jusqu’à l’angle SE de la maison
Mirande. A l’est, par ligne droite partant du point précédent jusqu’à l’angle
NO de la maison Lahouliere. Au sud, par une ligne droite allant de point
précédent à l’angle NE de la maison Patché. A l’ouest, par ligne droite du
point précédent jusqu’au point où le prolongement de la façade Est de la maison
Quillon rencontre le chemin de Gaujacq à Bastennes, puis de là en suivant la
limite septentrionale de ce chemin jusqu’à l’angle Est de la rencontre du
chemin du château à l’église.
Le
bitume ayant la propriété d'adhérer aux matériaux et d'être étanche et isolant, il
était employé comme enduit sur la pierre ou le bois, les cordages et les
toiles, pour garantir de l'humidité et donc spécialement les couvertures des
bâtiments en terrasse, les platelages des ponts, les chapes des voutes, le jointement
des dalles, pierres ou briques, l'enduit des conduites, bassins, et citernes,
la construction des dallages pour trottoirs, le pavement des rues. Mais il ne
s’employait pas seul.
Le
succès et la renommée de Bastennes vint. Une Compagnie des bitumes de Bastennes et Gaujacq fut
créée en 1838 (siège à Paris, 93 rue Faubourg Saint-Denis) pour l'exploitation
et l’application des produits des mines. Elle fournissait presque tout le bitume, réputé et d’excellent
qualité, dont on se servait pour la préparation des mastics bitumineux, en le
mélangeant à chaud à du calcaire asphaltique provenant des mines de Seyssel.
Ces mastics étaient coulés en pains de 25 kg à l’aide de moules pour être
livres à l’industrie. Des magasins étaient établis à Dax, des dépôts installés à Bayonne,
Bordeaux, Rouen, Le Havre.
Le génie militaire
employa le bitume de Bastennes dans plusieurs fortifications, non seulement aux
proches places de Dax, Bayonne ou les réparations apportées aux anciennes fortifications ont répondu de
manière si satisfaisante que le gouvernement a conclu en 1838 un très gros
contrat pour des travaux supplémentaires, Navarrenx ou Saint-Jean-Pied de Port, voire Pau,
Tarbes ou Auch, mais aussi à Oléron, Perpignan, Mont-Louis, Soissons,
Mulhouse.
On l’employa sur les trottoirs de Paris (les mastics étaient refondus dans des chaudières
ambulantes), à l’Hôtel royal des Invalides, au Palais d’Orsay, à l’hospice royal de
Charenton, au Pont-Neuf, à l’ensemble des arches et voutes des chemins de fer
pour Versailles et Saint Germain, aux réservoirs construits pour contenir les eaux de la Seine à Batignolles (1834). On l’a même employé sous forme de mastic pour
isoler les fils lors de la construction de la première ligne télégraphique
souterraine de Paris.
Le succès gagna l’Angleterre. Un important marché fut conclu avec une compagnie
anglaise pour toutes les fournitures à faire hors de France. On peut, à ce
sujet, lire dans un article anglais de 1840 que cette « Bastenne
Company » a présenté le
meilleur des revêtements asphaltés près de la Northumberland House à Londres;
une pièce de 40 pieds sur sept sur le Blackfriars brige sur la Tamise; un
travail considérable en pavant 830 pieds superficiels, devant la salle des
gardes à Woolwich, qui, même si elle est traversée
par beaucoup de passants, et battue par la garde, reste immobile; enfin, le sol
des stalles appartenant à la caserne de cavalerie de Knightsbrige, est
probablement le meilleur exemple du trottoir asphaltique posé dans le pays, qui
n’a pas été altéré par les coups des sabots des chevaux.
En 1855, fut créée une Compagnie des
Asphaltes de France, laquelle réunit entre autres les mines de Seyssel et de
Bastennes, et donc, par fusion, les sites de l'Echalassière, d’Armentieu, et
Labourdette.
De 1834 à 1871 on aurait extrait 93 400
tonnes à Bastennes et 9 000 à Gaujacq. Un rapport dans
l'Exposition de l'industrie française pour 1844 indique que la mine de
Bastennes employait pas moins de 400 ouvriers. En 1839 Debray et Cie indique
même qu'elle occupait plus de 600 ouvriers pour permettre de répondre à la
demande
Mais, dès 1855 et 1856,
l'ingénieur des mines faisait des rapports pessimistes au Conseil Général des
Landes, concluant que tout faisait craindre que dans bien peu d'années
l'industrie des bitumes ne soit complètement perdue pour le département.
"Des quatre mines de bitume exploitées jusqu'ici,
deux ont été abandonnées complètement, ce sont celles de Labourdette à Gaujacq,
et de l'Echalassière à Bastennes ; une troisième, celle d'Armentieu, ne donne
plus lieu qu'à une extraction insignifiante ; enfin, celle de Pozat, la seule à
laquelle il reste un peu d'avenir, ne semble pas devoir fournir longtemps
encore à une consommation active. Pendant chacune des deux années qui viennent
de s'écouler, la production n'a pas dépassé 8 000 quintaux métriques, cette
année elle sera moindre encore".
L’avenir de l’industrie bituminière du pays reposa un
temps sur le dernier site de Pozat.
Malheureusement son bitume fut d’une qualité inférieure, trop chargé de
pétrole. L’exploitation cessa en 1857.
Il
semble pourtant qu’on y travailla encore les années suivantes puisque en 1870 le
nombre d’ouvriers attachés à Bastennes, tant à la mine qu’à l’usine, variait
encore de 50 à 200 (!) selon l’importance de la fabrication, pour une production
annuelle s’élevant jusqu’à 42 000 quintaux, avant que n’intervienne la
fermeture des sites l’année suivante en raison de la concurrence
et l’arrivée des bitumes d’Amérique (ile de Trinidad). En 1873 les anciennes
galeries de Gaujacq sont comblées par des éboulements.
M. Meyrac : Notice sur le bitume de Bastennes et sur
ses usages (extrait), dans Bulletin des sciences par la société philomathique
de Paris -Volume 8 – 1821.
M. Meyrac : Notice sur les propriétés physiques et
chimiques du bitume et les avantages qu’il peut offrir aux Arts, dans Journal
de Physique …… T XCIV -1822.
M. Lefebvre : Notice sur les bitumes de Bastennes et de
Gaujacq (Landes), dans Annales des mines – troisième série T XIII – 1838