Depuis longtemps on savait
qu’avait existé, sur la voie littorale gallo-romaine qui reliait Burdigala (Bordeaux) à Aquae Tarbellicae (Dax), une station étape désignée sous le nom de LOSA par un texte antique du
IIIe siècle (dit l’Itinéraire d’Antonin). Cette station était indiquée à sept
lieues gauloises au sud de celle de Boïos déjà localisée au lieu-dit
Bois-de-Lamothe sur la commune de Biganos.
C’est au cours du XIXe siècle qu’on se préoccupa de mieux localiser les
stations de cette voie romaine, avec des hésitations certaines et des controverses
entre érudits. On s’accorda finalement pour placer Losa sur la commune de Sanguinet. La distance d’environ 15,5
kilomètres correspondait bien à sa situation par rapport à Lamothe, et un quartier
du village conservait étrangement le nom de Louse.
Puis les investigations sur le
terrain, et en particulier l’exploitation des photographies aériennes,
permirent la découverte de l’empreinte et du tracé de l’ancienne voie entre Lamothe et Biscarrosse, se dirigeant vers le lac de Sanguinet, et son prolongement depuis celui-ci vers le sud.
Mais c’est sous les eaux
qu’enfin, en 1970, une équipe de plongeurs vint en confirmer l’existence en découvrant des éboulis de substructions et fondations antiques (en garluche et pierre calcaire). d'un temple gallo-romain sous les eaux. Les
premiers vestiges découverts dormaient dans le lac de Sanguinet depuis plus de
mille cinq cents ans, à quelques mètres de profondeur, et à peine cent mètres
du rivage devant la plage du Pavillon.
Cette découverte marqua le début. des investigations et la réalisation de prospections dans le secteur oriental du lac, avec la création d'une Société pour la Protection des Sites Archéologiques et naturels de Sanguinet, puis la fondation, en 1976, d'un Centre de Recherches et d'Etudes Scientifiques de Sanguinet -CRESS-
le lac de Sanguinet
Mais pourquoi donc sous les eaux du lac ?
Cela s’explique par la formation, durant les derniers millénaires, de
cordons dunaires du littoral qui ont obstrué le cours de la rivière côtière de
la Gourgue qui, à l’origine, se déversait directement dans l’océan. Au fil des
siècles, l’accumulation et la montée d’eau douce à l’arrière des dunes a ainsi piégé et
recouvert les vestiges de d’occupation humaine. Losa fut engloutie /
Les recherches archéologiques se poursuivent toujours autour du site,
et tout ce qui suit n’ est qu'une compilation résumée
de ce que l'on peut lire ailleurs.
Mais je n'ai pas pu résister à l'évoquer ici.
le site de Losa
Le village gallo-romain de Losa,
qui semble avoir été occupé du Ier au IIIe siècle, était donc une station
routière – une mansio (1) – dans laquelle
le voyageur trouvait le gîte et le couvert.
Aujourd’hui à cinq mètres de
profondeur, il occupe environ deux hectares sur un petit plateau de la rive
gauche de l’ancien lit du petit fleuve côtier
nommé la Gourgue,
Le village s’articulait autour
d’un petit temple (fanum). Cet édifice, qualifié de fanum(2), se présente sous la forme
d’une construction rectangulaire de 11,70m de long sur 9,45m de large. L’entrée
orientée vers l'est s’ouvrait sur un vestibule de 2,70 mètres de large, lequel
donnait accès à une galerie de circulation faisant le tour de la pièce centrale
du temple : la cella (3). Cette dernière se présente comme une salle
carrée de 2,60 mètres de coté. Les restes des bases des murs complètement
dégagés dont les fondations reposent sur l'assise naturelle d'alios, s'élèvent
en moyenne de 45 cm au-dessus du sol lacustre. Les murs épais de 45 cm sont
constitués de blocs de garluche locale. Des fragments de mortier avec un enduit
peint, indiquent que les murs intérieurs de la cella supportaient un crépis
ocre-rosé.
le fanum
fragment d'ex-voto à déesse mère ph. Musée municipal du Lac
Les fouilles ont également mis au
jour les vestiges du pont qui permettait à la voie de franchir une zone basse large de 80 mètres environ et la rivière qui se trouve actuellement,
entre 7 et 8 mètres de profondeur. Il en subsiste un alignement de 161 pieux de
chêne ou de pin sur une centaine de mètres, dans l'axe de la voie romaine
reconnue à terre.
L'abondant mobilier archéologique
découvert sur le site et tout le long de la rivière a permis de définir des
zones sur lesquelles pouvaient avoir été implantées une ou plusieurs
habitations, construites en bois mais n'ayant laissé que peu de traces.
La masse la plus importante est
constituée par des tessons de cuviers et de grandes jarres. Compte tenu de leur
taille et de leur poids, ils ont vraisemblablement été façonnées sur place et
devaient servir au stockage des goudrons issus d’une industrie de production à
partir du bois de pin.
cuvier et jarre
photos Musée municipal du Lac
D’autres nombreux objets ont été
découverts, dont une grande variété de céramiques domestiques (assiettes,
coupes tripodes, cruches à col rond et à col trifolié, gobelets à pied étroit,
jattes à anses internes …). Quelques amphores semblent témoigner d’échanges commerciaux..
Les rares monnaies retrouvées sur
le site permettent de définir la période d'occupation de Losa, puisque les plus
anciennes datent de l'époque d'Auguste (27 av. J.-C. – 14 apr. J.-C), et les
plus récentes datables de la fin du IIIe siècle. Quelques bijoux (fibules,
intailles, bracelets) sont également caractéristiques des trois premiers
siècles de notre ère.
le trésor du lac
monnaie du site de Losa
photos Musée municipal du lac
Une voie secondaire ou dérivation
et un second pont situés à 500 mètres en amont semblent démontrer l’abandon de
la voie principale menacée par la montée des eaux et l’extension du lac.
Pour les détails, lire B.Dubos, B.Maurin : Losa, village gallo-romain,
site archéologique sublacustre -. Revue Aquitania-Tome 3 -1985- pp.71-89
(lecture en ligne sur le site Persée).
Bernard Maurin – Les « Longs Ponts » de Losa - Revue Aquitania-
Tome 17 -2000- pp.211-216 (lecture en ligne sur le site Persée)
Pour l’historique des recherches, Revue Aquitania - Tome 17 -2000-
pp.207-210 (lecture en ligne sur le site Persée)
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Mais le lac de Sanguinet recèle
des témoignages plus anciens d’occupation humaine continue de l’âge du bronze à
l’époque paléochrétienne, soit trois mille ans d’histoire, puisque quatre
autres sites sont échelonnés dans la partie orientale du lac sur près de quatre
kilomètres.
Les générations qui se sont
succédées, probablement de pêcheurs, ont vécu le plus près possible du lac en
formation et de la modeste rivière qui l'alimentait. Mais elles ont dû
plusieurs fois se résoudre à abandonner leurs villages de plus en plus menacés
par les crues et la montée des eaux. En
effet, Le niveau des eaux du lac s’est élevé aux temps historiques du fait de
la formation de la chaîne de dunes qui a peu à peu fait obstacle à l'écoulement
de la rivière côtière et ont obstrué progressivement l'estuaire et donc
l'accumulation d'eau douce prisonnière des sables.
C est ainsi sans doute que les villages
jalonnant le lit de la Gourgue furent l’un après l’autre engloutis, obligeant
les populations à abandonner leurs espaces de vie pour s'installer plus en
amont.
Ont été découverts, à un
kilomètre en aval de Losa et à huit mètres de profondeur, les vestiges d'un
.habitat fortifié par une enceinte de la fin de l'âge du fer (IIIe -Ier siècle
av. J.-C).sur le site nommé l'Estey du Large. Installé sur la rive gauche de la
rivière, il se présente comme un vaste espace elliptique de plus de 3 000 m² installé sur un promontoire.
Deux enceintes de palissades distantes de 2,50 à 3
mètres qui assuraient la protection du village sont matérialisées par une
centaine de pieux de chêne ou de pin en deux rangées qui en marquent le tracé. L’assise était constituée d’une énorme accumulation de troncs.
Mais l’espace intérieur ne comporte aucune trace d'habitat, sauf celles
intégrées à l'ouvrage de défense. Les éléments recueillis semblent montrer que
ce lieu pourrait avoir été un centre de production et de traitement du "fer des marais" local, à
partir de la garluche (scories métalliques et restes de foyer). Une douzaine de fibules et deux monnaies gauloises du premier siècle avant J.C y ont été mises à jour. Ce site a été daté du deuxième âge du fer
Plus loin, le site dit de Put-Blanc
recèle, à une profondeur moyenne de 13 m, à proximité du lit de la rivière
primitive, les vestiges d'un habitat dispersé qui s'étend sur une superficie de
plus de trois hectares, qui aurait été occupé pendant toute la période du
premier âge du fer.(VIIe –IVe siècle avant J.-C). Le vestige le mieux conservé présente un plancher de cabane en bois avec la sole circulaire d'un four central en place. On y a découvert une centaine de pieux en bois, mais surtout 23 pirogues ainsi que de nombreux tessons de céramique de gobelets, coupes, écuelle, vases, jarres ...
Sur le site dit de Matocq, à l'ouest du Put Blanc, ont été
découverts des vestiges de l'âge du bronze, période plus ancienne que celle des
deux autres. Ainsi une pointe de lance en bronze et son bout de manche en bois,
a été estimé comme datant de 1000 ans avant JC.(et 156 pieux, 13 pirogues, des céramiques dont un grand vase décoré et un vase à quatre anses ,des meules, polissoirs et silex) A l'ouest du site ont été trouvés 9 haches et 3 bracelets ouverts en bronze ainsi qu'un vase de terre cuite daté vers -1800.
Le site dit de la Forêt, entre l'Estey du large et le Put Blanc, sur la rive gauche du lit antique de la Gourgue, fut occupé pendant le premier (-850 à - 450) et le deuxième âge du far (-450 à -52). Il comprend quatre zones de pieux témoins d'habitat sur lesquels a été recueilli un abondant mobilier archéologique (tessons de céramique, blocs ferrugineux, ainsi qu'une pointe de lance en bronze et une pirogue de l'âge du bronze final..
Sûrement proches du lac à
l’époque, ces espaces présentent tous d'importants ensembles (tessons de
céramiques et pieux) témoins de ce qui pourrait être des structures de
huttes.
Les recherches entreprise depuis
presque quarante ans ont permis de répertorier dans le lac les restes d'une quarantaine de pirogues monoxyles (troncs grossièrement évidés) qui constituent un ensemble unique en Europe. La plupart ont été creusées dans des troncs
de pin, quatre seulement étant en chêne, dont deux sont parmi les plus
anciennes, remontant à la fin du deuxième millénaire avant notre ère, époque à laquelle la Gourgue se jetais encore dans l'océan. Leur
longueur varie entre six et huit mètres. La plupart d'entre elles sont
compartimentées par des nervures réservées dans la masse et comportent des
séries de trous perçant le fond et obturés par des bouchons de bois.
Ces pirogues ont
vraisemblablement été utilisées pour une activité de pêche dans la zone
lacustre et sur des lagunes, voire sur l'océan avec lequel le lac primitif
communiquait directement
Le musée municipal d’archéologie
sublacustre de Sanguinet présente les
différents objets remontés du lac depuis plusieurs années (poteries, bijoux,
outils, monnaies...), et deux pirogues sorties du lac en 2003, installées après traitement de conservation. Une en pin,
d'une longueur de huit mètres vieille d'environ 2 700 ans (âge du fer), l'autre
en chêne, âgée d'environ 3 270 ans (âge du bronze).
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(1) Mansio - gîte d’étape situé le
long d’une voie romaine à l’époque de l'Empire romain et géré par l’administration centrale, mis à la
disposition des dignitaires et des officiels.
(2)
Fanum - petit
temple gallo-romain constitué d'une cella centrale fermée, généralement entouré d'une
galerie de circulation, dans les anciennes provinces romaines de Gaule habitées par les Celtes
(3) Cella -partie close d’un temple gallo-romain qui abrite
généralement la statue de la divinité à laquelle le temple est consacré..
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