Primitivement nommé au côté de la paroisse d’Arrast ou Arrehast disparue, un village bâti sur une hauteur dominant le ruisseau le Vignacq est devenu L'Esperon peut-être en référence au promontoire qu’il occupait. Une des premières mentions de ce Lesperon (Lespurum, Lespero) date de 1177, et c’est en ce lieu que le roi Edouard d'Angleterre, lui-même, venu en Aquitaine régler les affaires le son duché, signa lors d’une halte le 14 décembre 1273, une déclaration en faveur des bourgeois de Mimizan.
De fait, Lesperon était dès le 12éme siècle et fut jusqu’à la fin du 18ème
siècle une halte et un embranchement important sur la voie de Tours du chemin
vers Saint Jacques de Compostelle qui passait un peu à l’est du bourg, au
lieu-dit Le Souquet. Ce lieu tirait d'ailleurs son nom du « droit de souchet »
ou « souquet », à l'origine taxe d’octroi sur le vin vendu, puis le blé, et
enfin, plus généralement un droit de passage sur les marchandises.
Ce point de passage justifia l’implantation d’une chapelle de pèlerins disparue mais dont les restes figuraient encore comme ruine sur la carte de Cassini (feuille 138), puis, près de celle-ci, l’installation d’un relais de la poste aux chevaux
Pour y
parvenir depuis Bordeaux les pèlerins enduraient, pendant des lieues et des
journées, la lancinante traversée de landes rases dépourvues de tout, sur des
pistes de sable brulantes en été et inondées en hiver.
Puis, c'est à partir de Lesperon que la voie se scindait en deux itinéraires vers l'Espagne. La route originelle du Codex Calixtinus du XIIe siècle suivait l'ancien tracé de la voie romaine de Bordeaux à Astorga, par Taller, Gourbera et Dax, la Navarre et Roncevaux. Une voie directe en ligne droite vers Bayonne et la Biscaye qui lui fut progressivement préférée en évitant le franchissement des Pyrénées. Si bien qu'au milieu du XVIIe siècle l'Itinéraire des Chansons des pèlerins de Saint-Jacques précisait : "Notez qu'à l'Eperon, qui veut tirer à Navarre, faut prendre à main senestre, et passer la Biscaye" (un lieudit Navarre existe toujours après cet embranchement).
Or, en 1305, Armanieu VII, sire d’Albret, acheta les paroisses
d'Arrast et Lesperon, à Arnaud Raymond vicomte de Tartas. Puis reconnu comme
seigneur par les habitants en 1312 après avoir fait mainmise sur l’entière
vicomté de Tartas à la mort du vicomte devenu son gendre, il saisit toutes les occasions pour étendre sa
propre autorité aux dépens de l'administration ducale et accroitre son indépendance,
jusqu’à achever sa défection de la cause anglaise en rejoignant les Français
lors de la guerre de Saint-Sardos en 1324 prélude à la guerre de Cent ans.
Mais plutôt que de veiller à la sureté des voyageurs, le
château de Lesperon ne tarda pas à devenir un repaire à partir duquel on
rançonnait les passants, parmi lesquels les pieuses caravanes de pèlerins fournissaient
des victimes.
Le guide du pèlerin (Livre V du Codex Calixtinus) du XIIe siècle, donnait
déjà une idée de ces droits de passage exigés dans la région :
" ... Ils vont au-devant des
pèlerins avec deux ou trois bâtons pour extorquer par la force un injuste
tribut, et si quelque voyageur refuse de céder à leur demande et de donner de
l'argent, ils le frappent à coups de bâton et lui arrachent la taxe en
l'injuriant et le fouillant jusque dans ses culottes" ... "
Les habitants de Bayonne s’en plaignaient auprès du roi d'Angleterre et
se disaient opprimés en passant avec leurs biens et marchandises sur le chemin
de Bordeaux, chaque personne étant facturée 12deniers morlans
4 octobre 1324 « Accordez
aux citoyens et habitants de Bayonne qu'ils soient exempts et affranchis à
jamais du péage et du maltolt (taxe) qui leur sont exigés … à la ville de
Lesperon si le château et la ville sont aux mains du roi, ou une fois qu'il
entrera entre les mains du roi ». (C’est la guerre !)
Rien n’y fit, et le 4 Avril 1326, Édouard
II signalait toujours le château nouvellement construit à peu de distance du
chemin de Bordeaux à Bayonne, et les actions de la garnison qui y vivait tendant
des embuscades et attaquant à plusieurs reprises les sujets du roi voyageant
par cette route, à leur détriment, et refusant d'arrêter de le faire. Il
demandait alors à son sénéchal de Gascogne d’apporter le remède qu'il jugeait le
plus approprié pour la préservation des droits du roi et de son fils. Le château
de Lesperon était devenu un repaire dangereux.
Cela n’était d’ailleurs pas nouveau puisque
déjà lors de son expédition et le siège de Dax en janvier 1177 le jeune Richard
Cœur de Lion, alors duc d’Aquitaine, aurait fait cesser les mauvais usages pratiqués
à Lesperon où l’on avait coutume de dévaliser les pèlerins
Ce lieu de passage fut maintes fois pointé du doigt comme notoirement
fréquenté par des brigands. Au XVe siècle, après la fin de la guerre de Cent
Ans, les anciens mercenaires désœuvrés rejoignirent en effet les malfaiteurs.
Puis, après la période de écorcheurs, vint au XVIIe siècle l'époque des bandits
de grands chemins dupant ou escroquant les honnêtes gens et détroussant les
voyageurs.
De ce passé reste le souvenir d'une région dangereuse pour les pèlerins
fréquemment détroussés. On peut supposer qu’en sont encore témoins les
lieux-dits locaux de Tireveste (croisement D41-D140), Tiregilet (D41), ou
Tireculotte (Le Souquet).
Le château sur motte originel disparu fut remplacé par un petit manoir
construit à au XVe siècle par un riche bayle du lieu (Lagoeyte) évoqué par
Blaise de Monluc dans ses Commentaires. Louis XII (Il s'agirait plutôt de Louis
XI en 1462) se rendant et de retour de Bayonne logea chez celui-ci et s’étonna qu'en une région si maigre et
stérile et misérable, ce bayle ait pu faire bâtir une si belle demeure.
Bien plus tard, en1782, le comte d'Artois,
frère de Louis XVI, allant au siège de Gibraltar, s'arrêta à Lesperon où il fut
reçu, avec les seigneurs de sa suite, par M. Jean du Sault conseiller au
Parlement de Bordeaux en son château qu’il tenait de sa riche épouse Marie Thérèse de Lagoeyte, descendante du
fameux bayle.
Ces anciens châteaux dans lesquels plusieurs rois et princes logèrent au
cours des siècles lors de leurs traversées des Landes ont disparu. Celui qui
occupe le lieu du Souquet aujourd’hui fut entièrement reconstruit au milieu du
XIXe siècle.
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