AIRE ANTIQUE


Bien avant la période gallo-romaine, un oppidum du nom de Atura (nom issu de Atur - Adour), existait déjà au point convergent de trois coteaux constituant un remarquable ensemble de défenses naturelles. Etabli sur le plateau de la rive gauche de l’Adour, cet Oppidum Tarusatium était en effet protégé par plusieurs camps retranchés et fortifiés sur ces collines qui le dominaient.

En est témoin la toponymie des lieux issue de la mémoire collective ayant romanisé des ouvrages protohistoriques protégeant l’oppidum situé au centre de la ville actuelle.

La ville haute du Mas n’était alors qu’une station (mansio), étape sur la voie se dirigeant vers Beneharnum (Lescar). Pourtant, l’énigmatique sarcophage de marbre blanc de la crypte de l’église, censé être le tombeau de Sainte Quitterie, de provenance inconnue et d’époque paléochrétienne (4e siècle), ainsi que les vestiges de structures, laissent penser à une implantation d’édifice antique antérieur au monastère. Au milieu du portail de l’église, une petite colonne de marbre veinée de rouge également un remploi d’un édifice païen romain

 

A l’ouest, le camp dit de Pompée sur la hauteur de Lasserre et le lieu-dit Biton. Et, sur le mamelon près du lieu-dit Laclabère, un peu en arrière de la pointe du plateau qui domine de cours du Broussau, le camp de la Tucolle de Mireloup, constitué d’une redoute elliptique de 50 mètres sur 40 mètres entourée d’un parapet précédé d’un large fossé sau au nord protégé par la pente raide.  

 Au sud-est, le camp dit de César, près du lieu-dit Castera (castra), presque à l’extrémité du coteau dominant le vallon des Arribous est constitué d’une butte allongée séparée vers du plateau vers le sud par un large fossé, alors que le nord est défendu par la pente raide de la colline.

 A l’est, pas loin du camp de César, sur un plateau au sommet d’un mamelon du bois de Casamont, se trouvait une enceinte circulaire avec terrasses et fossés. De fait, ce serait une sorte de tumulus où ont été découvertes deux urnes funéraires.

 


 Cette capitale du peuple des Aturenses ou Tarusates, qui n’était, semble- t-il, qu’une bourgade, fut romanisée sous César après la conquête de Julius Crassus (56 avant JC) en simple mais honorifique Vicus Julii, (selon Grégoire de Tours) puis promue, à la fin de l’empire romain, au rang de Civitas Aturensium (selon la Notitia Provinciarum), cité des gens de l’Adour, intégrée à la nouvelle province de Novempopulanie.

Enfin, la cité d’Aire s’est développée pendant l’antiquité tardive des 5ème et 6ème siècle et serait devenue une supposée résidence royale wisigothe d’Euric le Grand (en 470) et d’Alaric II (en 506) et du premier évêque Marcellus. L’existence de cette résidence et le séjour d’Alaric ne sont cependant justifiés que par la mention de la réunion en ce lieu de la commission chargée de la rédaction puis de la promulgation de la lex Romana Visigothurum, droit nouveau des populations romaines soumises aux rois wisigoths. Il est donc hasardeux de chercher les traces du « palais d’Alaric » évoqué par la tradition locale.

 

De ce passé antique la ville actuelle n’a gardé aucun monument visible. Les indices en sont cachés dans le sous-sol jusqu’à ce que certains soient révélés à l’occasion de travaux (puis souvent dispersés et perdus), et plus récemment par des fouilles préventives.  

Ainsi, dans le camp dit de Pompée, sur la colline de Lasserre, dans le secteur du lieu-dit Biton, ont été mis à jour en 1884 et 1885, dans les éboulis du coteau, plusieurs (2 puis 27) autels votifs (entiers ou fragments - en marbre ou pierre calcaire) attribués aux 2e à 4e siècles, avec des restes d’inscriptions d’ex-votos (musée Borda à Dax) ainsi que de débris restes de constructions, et diverses monnaies romaines, laissant supposer l’existence d’un temple dédié à Mars Lelhunnus (divinité tutélaire locale ibérienne romanisée spécifique à Aire-sur-l’Adour) dont aucune trace n’a été trouvée.

A tout le moins ils ont révélé l’identité de lointains habitants d’Aire : Lucius Attius Sabiniarus, Tiberius Claudius Sotericus et son fils Domesticus, Tiberius Claudius Faustinus, Lucius Attius Vitalis, Berulius esclave de Tiberius Claudius Sabinarius …

 

Autels votifs du camp de Pompée

 (source Bull Borda 1994 et moulage du Musée d’archéologie nationale)

Par ailleurs, quatre chapiteaux de marbre recueillis dans le dépôt lapidaire de l’hôtel de ville, ancien palais épiscopal, mais dont le lieu de découverte est inconnu, semblent provenir d’un édifice du Bas Empire.

Les chapiteaux de l'hôtel de ville

Dans les caves, en plusieurs points de la ville basse, ont été découverts des débris de constructions et des restes d’épais murs romains en petit appareil pouvant être interprétés comme des débris de murs de l’enceinte de la petite cité qui aurait, selon la tradition été détruite au cours du 18ème siècle ( caves de la maison Lasserre près de la halle aux blés - sous la chapelle des Ursulines – rue Maubec – rue Royale - bords de l’Adour) Mais une visite de cave et un sondage effectué rue Maubec (parcelles 588 et 875 section M) par Mlle B. Watier en 1983 n’ont permis de retrouver aucune trace sure de ce rempart gallo-romain.

Plusieurs débris d’architecture gallo-romaine et des fragments de mosaïques ont été découverts en divers endroits depuis la fin du 19e siècle, semblant confirmer l’hypothèse que la cité aturine a bien été construite sur une occupation antique.  Ce fut également en 1966 sur le pourtour du chevet de la cathédrale, et en 2012 sous le parvis de ma cathédrale et dans la cour intérieure de l’hôtel de ville (dispositif romain d’hypocauste daté entre la fin du Haut Empire et le Bas Empire). Déjà en 1927, un sarcophage fait d’un assemblage de cinq fragments de mosaïques avait été découvert dans une aile de l’ancien cloitre. Des fragments de mosaïque ont aussi été trouvés lors de travaux effectués dans la partie du palais épiscopal occupée par la poste. Une statuette en bronze gallo-romaine figurant un Hermès fut même signalée par M P Courteault dans la revue Historique de Bordeaux en 1915.

mosaïque de l'ancien cloitre du  palais épiscopal

Du mobilier en céramique et différents objets retrouvés, attribuables aux règnes d’Auguste et de Tibère, confirmeraient la datation de cette occupation des terrasses naturelles aturines entre le Ier siècle avant J.-C. et le IIe siècle après J.-C.

 

une vue d'Aire en 1706 ( source BNF)

 

Quelques lectures

C. Sorbets – Histoire d’Aire-sur-l’Adour -Tome 1 - Ed. des Régionalismes -2015.

L. Sorbets – Oppidum des Tarusates – Dax 1886

L. Sorbets - Deux autels votifs découverts à Aire dur ‘Adour. (Bull. Sté. de Borda 1884)

L. Sorbets – Mars Lelehunnus et les 29 autels votifs découverts à Aire sur l’Adour (Revue de Gascogne 1885 p. 541)

J. Cabanot – Chapiteaux de marbre inédits à Aire sur l’Adour (Bulletin Monumental 1989)

E.Taillebois – Quelques observations sur les deux autels votifs découverts à Aire -  (Bull. Sté. de Borda 1884)

E. Taillebois – Le temple de Mars Lelehunnus à Aire sur l’Adour et les inscriptions Aturiennes (Bull Sté. de Borda 1885)  

C. Daugé – Numismatique, collection de M. le Dr Levrier à Aire su l’Adour (Bull. Sté. de Borda 1902)

(1)                  Diverses monnaies romaines découvertes à Aire : à partir de Jules César, Auguste, Tibère, Néron, Vespasien, Trajan, Adrien …jusqu’à   Constantin le Grand (313-337) et Constance II (337-361) Julien l’apostat (361- 363) Valentinien I (364-375)

F Lot - Recherches sur la population et la superficie des cités remontant à la période gallo-romaine Tome3 La Novempopulanie -Paris 1953

B. Suau, J. Cabanot, B. Watier – Plans d’occupation des sols historiques et archéologiques d’Aquitaine - II Aire - Bordeaux 1982