RICHARD COEUR DE LION MATE DAX

 


En épousant, en 1152, Henri II Plantagenêt, comte d'Anjou et duc de Normandie, Aliénor, duchesse d'Aquitaine et comtesse de Poitiers, lui apporta ses provinces en dot. Et, comme toutes les possessions d'Aliénor, Dax passa sous la domination et suzeraineté anglaise deux ans plus tard lorsqu'Henri fut couronné roi d'Angleterre.

Richard, dit plus tard Cœur de Lion, le fils d'Aliénor d'Aquitaine et du roi Henri II Plantagenet (et futur roi d’Angleterre bien qu'il y ait rarement mis les pieds et n'ai jamais appris l'anglais), n’était alors que comte de Poitiers, mais désigné héritier du duché d'Aquitaine dès 1169. C’est à ce titre que son père, qui avait fait mettre son épouse en résidence surveillée depuis 1173, chargea Richard de contrôler en son nom le territoire aquitain, en maitrisant et pacifiant les seigneurs rebelles ou hostiles à son pouvoir.

Les barons ou petits seigneurs s’agitaient aux marges sud du duché, déjà en petites guerres perpétuelles, mais surtout attachés, comme les autres aquitains, à leur indépendance. Ils se montraient de plus en plus récalcitrants à la nouvelle emprise ducale. La révolte grondait un peu partout, mue par le désir de s’affranchir de ce joug étranger.

C’est ainsi qu’une coalition s’était formée contre l'autorité anglaise, autour du vicomte de Dax Pierre II et de son beau-père Centulle III, vicomte de Marsan et comte de Bigorre (fils de Pierre Lobaner vicomte de Marsan, et fondateur de la ville de Mont de Marsan) dont il avait épousé la sœur. Ils avaient été rejoints par Arnaud-Raymond II vicomte de Tartas, Bernard d'Armagnac, Gaston de Béarn, Vezian de Lomagne, et plusieurs barons locaux,

Face à cette menace, et à peine âgé de 19 ans, le jeune et actif Richard dont la réputation d’homme de guerre était déjà acquise, s’employa, sans état d’âme, à rétablir l’ordre, quitte à soumettre et châtier les féodaux rebelles et asseoir son autorité par les armes.

Informés des opérations déjà entreprises par les bandes dévastatrices anglaises en Poitou, Angoumois, et Limousin, et plutôt que de devoir affronter les troupes et mercenaires de Richard en rase campagne, les vicomtes et leurs alliés prirent le parti de s'enfermer dans la cité de Dax mise en état de résister dans son antique enceinte du IVème siècle.



Selon Roger de Hoveden, chroniqueur anglais proche du roi Henri II, c’est depuis Bordeaux que Richard Cœur de Lion entreprit, au lendemain de la Noël 1776, de marcher vers Dax à la tête de sa troupe de mercenaires, les fameux cottereaux ou brabançons habitués à dévaster et piller.

L’auteur précise ensuite que la cité assiégée fut forcée et prise en moins de dix jours. Donc, en supposant qu’il ait fallu au moins deux jours à Richard pour traverser le pays des Landes avec son charroi, par de mauvais chemins et en plein hiver (suivant l’ancienne voie romaine de Bordeaux à Astorga), et que le départ de son armée soit intervenu dès le 26 décembre, la soumission du vicomte de Dax serait intervenue entre le 4 et le 7 janvier 1177. Malheureusement, on ne rien des détails de ce siège et des éventuels assauts ou combats auxquels il a pu donner lieu. On ignore également les conditions de la reddition et le sort réservé aux vicomtes rebelles vaincus. Se sont-ils soumis ou ont-ils pu réussir à s’y soustraire ?

La suite prouve cependant qu’ils s’en sont sortis indemnes.



Richard Cœur de Lion poursuivit ensuite sa chevauchée vers Bayonne tenu par son vicomte Arnaud Bertrand qui s’y était fortifié. La ville fut prise après un nouveau siège de dix jours. Le duc d’Aquitaine s’assura ensuite de la Basse Navarre en allant jusqu’au Pays de Cize avant de s’emparer et détruire un château de Saint-Pierre qu’on situe à Saint Jean le Vieux. Le chroniqueur précise que ce dernier fait d’armes est intervenu le premier dimanche après l’Epiphanie, donc le 9 janvier 1177.

Là, ça coince ! Le duc Richard ayant passé Noël à Bordeaux et parvenu au castellum de saint-Pierre le 9 janvier suivant, il n’a raisonnablement pas pu, en quinze jours, effectuer la chevauchée décrite et soutenir deux sièges de dix jours ! Mais, bon, c’est le lot commun des approximations des chroniques officielles de l’époque que de sacrifier la rigueur à l’esprit du récit.

Un autre chronique de l’époque attribuée à un Benoit de Peterborough reprend à peu près les mêmes faits et dates. C’est donc vraisemblablement une copie de la précédente. Encore que lui, semble dater le retour du prince Richard à Poitiers un peu avant la fête de la purification de Sainte-Marie, quarante jours après Noël, soit le 2 février 1177. Cette campagne aurait donc duré moins de six semaines.

Mais l’histoire n’est pas finie, puisqu’on retrouve un peu plus tard (entre juin et décembre 1178, en interprétant la chronique de Peterborough ?) nos deux vicomtes de Dax et de Marsan rescapés et persévérants, rejoints par le vicomte d’Orthe Loup-Garcie II, reprenant les armes, expulsant les officiers anglais, et à nouveau retranchés dans la cité de Dax

Richard y retourna, accompagné cette fois d’une armée plus nombreuse (venit cum exercitus magno) et donc assiégea la cité une seconde fois. La résistance fut plus vive. Tellement vive que le vicomte Pierre y perdit la vie sur les remparts lors des assauts anglais. Avec lui s’éteignait ainsi la ligne masculine des vicomtes de Dax. Sa fille unique Navarrine épousa par la suite, en 1190, Raymond-Arnaud III, le fils de Raymond-Robert vicomte de Tartas, fusionnant ainsi les deux vicomtés de Dax et Tartas.


Les habitants, déjà peu dévoués à leur vicomte et craignant les représailles, s'emparèrent même de son allié le vicomte Centulle, et l'enfermèrent dans les cachots de la ville avant de le livrer entre les mains de Richard Cœur de Lion, lequel le laissa sous leur garde. Il ne dut, dit-on, sa libération qu’à l’intervention du roi d’Aragon Alphonse II, et moyennant amende honorable et l’abandon de ses castellums sur les mottes de Clermont (Clermont-Chalosse) et de Montbrun (à Angoumé))

Cela confirme que les bourgeois de Dax montraient peu d’énergie à la défense des vicomtes, à l’origine simples lieutenants des anciens ducs de Gascogne, et dont l’autorité directe avait été acquise par l’éloignement du pouvoir ducal. Au contraire, les dacquois éprouvaient plus d’enthousiasme pour une nouvelle autorité pouvant garantir la conservation de leurs privilèges acquis

Le commandement de la ville aurait alors été confié, selon A. Dompnier de Sauviac, à un certain Jean de Gaujac (Cf Chroniques de la cité et du diocèse d’Acqs – Dax, 1873 – p 19)

Débarrassée de son vicomte, la ville relevait désormais directement du duc d’Aquitaine, lequel confirmait les coutumes et augmentait les franchises privilèges déjà accordés par le roi Henri II. Elle restait administrée par ses « capdels » et jurats déjà établis.

Pour le bien du service rendu (pro bono servicio quod mihi fecerunt), Richard, duc d’Aquitaine, exempta les habitants de tout cens coutumier par une charte souscrite en présence de l'évêque de Dax Guillem Bertrand, le vicomte de Tartas Raymond- Robert, le vicomte dOrthe Loup Garcie, le vicomte de Castillon, Garcie Arnaud de Navailles, Arnaud Wilhem de Marsan.


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Dax ne revient définitivement française que par sa reddition en juillet 1451 à Gaston XI de Foix vicomte de Béarn et au sire d'Orval Arnaud-Amanieu, fils du sire d'Albret Charles II, agissants au nom de Charles VII. C'est le 8 juillet que les habitants prêtèrent serment de fidélité au roi de France.

 Charles VII approuva le traité par lettres patentes signées à Taillebourg, accorda amnistie pour le passé, et confirma les privilèges, les franchises et la coutume de la Ville. Le tout fut entériné plus tard par la Cour de la sénéchaussée les Lannes le 17 octobre 1453 

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 Roger de Hoveden - Chronica Magistri Rogeri de Hovedene - éd. W. Stubbs -Londres 1869 Tome II.

page 117 - 1177 « Eodem die Ricardus filius ejus commes Pictavia fuit in Aquitannia apud civitatem Burdegalensem: qui statim post Natale Domini obsedit Akensem civitatem, quam Petrus vicecomes Akensis, et comes Bigorniae, contra eum munierant, et infra decem dies cepit. Deinde obsedit Baioniam ccivitatem quam Ernaldus Bertramnus vicecomes Baioniae contra eum munierat, et infra decem dies cepit. Et inde promovens exercitum suum usquo ad Portas Cizarae, quae nunc Portae Hispaniae dicuntur, obsedit castellum Sancti Petri, et cepit et demolitus est illud; et compulit per vim Basclos et Navarenses jurare, quod pacem ab illa hora peregrinis et inter se servarent in perpetuum; et destruxit omnes malas consuedtudines quae inducte erant apud Sorges et apude Espurun »

 

page 170 - 1178 « Eodem anno, Ricardus comes Pictavis venit cum exercitus magno ad Akensem civitatem et invenit ibi comitem Bigorniae in carcere civium incarceratum, quen cives tradiderumt ci. Et ipse comes Bigorniae tradidit comiti Pictavis pro liberatione sua Clarum montem et castellum de Munbrun »

 

Benoit de Peterborough - Ex Benedicti Petroburgensis Abbatis vita et gestis Henrici II et Ricardi Angliæ Regum - dans Recueil des Historiens des Gaules et de la France - éd. L. Delisle 1879, t. XIII, Paris, 142-182.

P 167 – 1777 « Comes autem Pictaviae, statim post Natale, obsedit Akensem civitatem, quam Petrus Vicecomes Akensis, et Comes Bigorniae (Centulfus) contra eum munierant, et infra X dies cepit. Et inde promovens exercitum suum, obsedit Baioniam civitatem, quam Ernaldus Bertramnus Vicecomes Baioniae contra eum munierat, et infra X dies cepit. Et inde promovens exercitum suum usque Cizare, quae nunc Portae Hispaniae vocantur, obsedit castellum Sancti Petri, et eadem die cepit, scilicet Dominica proxima post Epiphaniam, et penitus destruxit. Et postea vic coegit Basclos et Navarenses jurare pacen tenere ; et destruxit omnes malas consuetudines quae inducteae errant apud Sorges et apud Sanci Jacobi. Et sic pacificatus universis provinciis, in Purificatione Sancte Marie venit Pictaviam, et inde direxit nuncium suum in Angliam ad Regem patrem suumi »

P 178 – 1778 « Eodem anno, Ricardus Dux Normanniae et Aquitaniae, post transfretationem Henrici Regis Angliae patris sui, cum magno exercitu in Pictaviam profectus, ad Assiensem civitatem venit ; et invento ibi Comite Bigorniae (Centulo) incarcerato, quem cives ejusdem civitatis incarderaveran, magon fluctuavit gaudio. Sed Amfussus Rex Arragonum, dolens quod amicus sous Comes Bigorniae tenebatur in vinculus, venit ad praefatum Ducem ; et sollicitus ut versus Ducem, quod ille viluntatem Ducis et patris ipsius Regis Angliae faceret. Et insuper praedictus Comes Bigorniae pro liberatione soa tradidit praenominato Duci Clarum montem et castellum de Munbrun »