Pierre Latécoère qui avait contribué à la naissance de l’Aéropostale sur le site de Toulouse-Montaudran rêvait de traverser l’Atlantique en créant une ambitieuse ligne aérienne reliant Toulouse à Santiago du Chili. La difficulté à l’accomplir en avion classique de l’époque lui fit préférer l’option de l’hydravion capable de décoller et de se poser sur l’eau. En recherche d’un plan d’eau propice aux essais en vol d’hydravions de gros tonnages, son choix se porta sur le lac de Biscarrosse qui offrait une situation idéale :
Un plan d'eau douce immense ((35,4 kms2) offrant une ligne de décollage de 10 kms bien abritée des vents d'ouest par un cordon dunaire, proche de vers l'Amérique, et pas trop loin de l'usine de fabrication toulousaine.
Ce fut aussi le cas du Latécoère 521 baptisé « Lieutenant de
vaisseau Paris » qui, piloté par Henri Guillaumet accompagné d’Antoine de Saint-Exupéry,
bâtit, en 1939, le record de la traversée directe de New York à Biscarrosse
(sans passager, puis jamais été mis en exploitation en raison de la guerre).
Occupé par l'armée allemande pendant la seconde guerre mondiale ((leurs appareils ravitaillaient les sous-marins dans le golfe de
Gascogne) et détruit, cet aéroport
fut reconstruit et pourvu d'équipements modernes à la fin des hostilités.
Finalement, cette « hydrobase »
ne fut vraiment opérationnelle qu’en 1946. La jeune compagnie Air-France ayant
absorbé l’Aéropostale et crée Air France Transatlantique,
établissait les premières lignes et
vols réguliers de passagers de Biscarrosse vers New York, les Antilles, et le
Brésil.
Une ligne Biscarrosse-Fort de France était inaugurée en 1947 avec deux rotations par mois par le Latécoère 631. Ainsi, depuis la gare Air France des Invalides à Paris, les voyageurs (aisés) arrivaient par le train à Bordeaux, (10heures) puis prenaient un autocar pour rejoindre Biscarrosse. Là, ils pouvaient parfois attendre deux à trois jours que la météo soit favorable et que l’appareil soit en état avant de pouvoir décoller. Des compagnies aériennes allemandes, anglaises ou américaines ‘(Panam) y firent même escale.
Malheureusement, le 21 février 1948, un appareil parti du Havre disparut corps et biens dans la Manche au cours de son transfert vers Biscarrosse (19 victimes), puis, le 1er août, un second, parti de Fort-de-France pour Biscarrosse, disparut en plein Atlantique (52 victimes).
Ces drames sonnèrent le glas de ce avions-paquebots, d’autant que le 28 mars 1950 un troisième hydravion géant 631, parti de
Biscarrosse pour des essais, explosa en vol et s’abima en mer au large du Cap
Ferret en faisant 12 victimes.
Le succès de l’hydravion avait du plomb dans l’aile, alors que les
avions classiques avaient rapidement progressé. Cela provoqua la fermeture de
la base de Biscarrosse dans les années 50. Un
terrain de 528 hectares fut bien acheté au lieudit Lahitte, entre Biscarrosse
et Parentis, pour y établir un aéroport moderne desservant la France et l’Europe
en prolongeant ainsi les lignes transatlantiques d’hydravions, mais la guerre
interrompit le projet. (C’est l’actuel aérodrome terrestre des Grands Lacs). De toutes façons, l’éloignement des
grandes villes et l’absence de desserte du chemin de fer s’avéraient
préjudiciables à la rentabilité du site.
Peu de vestiges de cette folle épopée ont survécu. Les deux hangars
métalliques furent démontés en 1992, les bâtiments de la Vigie laissés à
l'abandon (inscrits MH en 2012), et l’ancien Hôtel des Passagers fut aménagé en
colonie de vacances.
Pourtant, Biscarrosse dont le lac reste l’une des deux seules hydro-surfaces utilisables tout au long de l’année en France, continue encore aujourd’hui à s’affirmer comme la capitale de l’hydraviation. Elle accueille tous les deux ans un rassemblement international (RIHB), qui réunit de nombreux hydravions de collection ou contemporains, des pilotes de diverses nationalités, et présente un show aérien spectaculaire. (Le 2 mai 2004, deux avions monoplaces d’une patrouille de voltige s’y télescopèrent et s’abimèrent dans le lac, causant la mort d’un pilote).
Un Musée créé en 1982 sur les
lieux de l’ancienne base, retrace l’histoire de l’hydraviation et présente plusieurs
modèles d’anciens appareils…et des plus modernes comme l’emblématique Grumman
Albatros américain.
Après l’épopée des
hydravions plus ou moins fiables de Latécoère, Biscarrosse resta à la pointe de
l’innovation en accueillant les instruments de la dissuasion et de la frappe
nucléaire française, pour devenir l’unique centre d’essai de missiles tactiques ou stratégiques à très longue portée en Europe.
On y tire et teste aujourd’hui
les missiles balistiques non armés d’une portée de plusieurs milliers de kms, au-dessus de l’Atlantique, comme le
M51-3 (missile mer-sol balistique stratégique à têtes
nucléaires, déployé sur les sous-marins lanceurs d’engins) lancé
(non armé) au soir du 18 novembre 2023 qui a illuminé le ciel et impressionné la
population du sud-ouest.
Devenu Centre d'essais de lancement de missiles (CELM), il forme aujourd'hui la division Essai de Missiles de la Direction Générale de l'Armement (DGA)