LE SABOTAGE DE LALUQUE EN 1944

 



Juin- juillet 1944.

 Après le débarquement des troupes alliées, s’engagea la bataille de Normandie. Les armées alliées qui s’y heurtèrent à une résistance acharnée des Allemands. Le général Patton atteignait Avranches et Pontaubault. Mais les troupes allemandes stationnées à Rennes résistaient.

Devant la pression croissante des alliés, l’état-major allemand réclama des armements et des munitions. Or, la Wehrmacht disposait, discrètement isolé en pleine forêt landaise, sur le territoire de la commune de Taller, le long de la route menant à Saint-Girons (lieu-dit les Trois Parcs), son deuxième plus important dépôt d'armes et de munitions de la seconde guerre mondiale en France, rassemblant de nombreuses pièces d'artillerie, de canons, fusils, et de grandes quantités de poudre destinés à la défense du « Mur de l’Atlantique »

Il fut donc décidé du transport de ces armements vers Bordeaux et Rennes par voie ferrée, à partir de la gare de Laluque. Un train spécial fut alors laborieusement organisé et constitué entre le 24 et le 27 juillet au centre de triage de la gare de Laluque pour rassembler finalement quelques soixante-dix wagons. Son départ pour la Normandie fut fixé au 27 juillet à 21 heures

De son côté, l'état-major de l'Armée secrète (A.S.) qui regroupait la quasi-totalité des groupes résistants, avait reçu de Londres les consignes pour déclencher les vagues de sabotages ayant pour objectif de couper l'envoi de renforts vers la Normandie et le nord de la France. Déjà les premières opérations menées sur les voies ferrées, les ponts, les lignes téléphoniques, télégraphiques ou électriques s’étaient multipliées au cours du mois de juillet avec la connaissance de l'avancée des troupes alliées

Le chef départemental des FFI, Léonce Dusarat, donna ordre de neutraliser le train de munitions, et c’est le groupe de résistants de Pontonx dirigé par Robert Labeyrie, qui fut désigné pour le faire sauter ou du moins l’empêcher de quitter Laluque en bloquant la voie ferrée.


27 juillet 1944

 Henri Ferrand, un jeune instituteur de 24 ans, en rupture du STO, et requis pour travailler à l’entretien des voies et la surveillance des mouvements de trains du dépôt de Laluque, s’était procuré deux pains de plastic armés de deux crayons détonateurs à retardement de deux heures qu'il transportait dans une musette.

 Arrivé à la gare à 18 heures, armant ses explosifs dans les WC, enjambant les voies en déjouant la vigilance des soldats patrouillant autour des rames du convoi sur la voie de garage, il parvint à placer un pain de plastic par le vasistas ouvert d’un premier wagon, puis la seconde bombe cinq wagons plus loin, lequel wagon transportant de la poudre.

 Ceci fait, il réussit ensuite à déjouer la vigilance des sentinelles pour s’éloigner, rejoignit le quai, se mêla aux voyageurs, avant de quitter les lieux à vélo et rejoindre Pontonx.

 Les premières explosions intervenues vers 19h35se prolongèrent tard, les obus éclatant au fur et à mesure de la progression de l’incendie,

 Les dégâts furent considérables. Les abords de la gare de Laluque ressemblaient à un champ de ruines. Vingt-et-uns wagons ayant contenu des munitions ont été entièrement détruits, en tout, une cinquantaine furent endommagés. Seuls quelques wagons non encore atteints par le feu échappèrent au désastre et furent dégagés par les hommes d’une locomotive qui venait de quitter le dépôt de Taller avec les treize derniers wagons destinés à compléter le train. Sur les voies de garage toutes les caténaires ont été détruites, cinq cent mètres de voies étaient inutilisables, la gare et le hall des marchandises sévèrement endommagés. Il n’y eut cependant aucune victime…sauf quelques volailles calcinées.




Ferrand retourna à la gare le lendemain, comme si de rien n’était, pour ne pas être soupçonné, et la population interrogée par la Gestapo affirma que l'explosion avait été provoquée par les deux avions anglais qui, vers 17h, avaient déjà mitraillé, sans gros dommages, les wagons se trouvant en gare.

Radio Londres annonça la destruction du train de munitions le 30 juillet. Ce sabotage a empêché l’artillerie allemande du verrou de Rennes de recevoir les munitions qu’elle attendait et permit ainsi au général Patton d’atteindre la ville le 4 aout 1944. Ce dernier écrivit dans ses Cahiers de guerre que « La destruction du train de Laluque a provoqué avec le maximum d'opportunité l'asphyxie de l'artillerie allemande qui ne put s'opposer au franchissement de la Sélune par 100 000 hommes et 15 000 véhicules de l'armée américaine.

Churchill lui-même dira qu’il s’agissait là de « l’un des sabotages les plus spectaculaires de l’été 44 ».


Henri Ferrand