SARBAZAN - LES TEMOINS D’UN LONG PASSE


A deux kilomètres au sud de Roquefort, Sarbazan, a révélé les traces des hommes qui se sont installés dans ce lieu depuis le fond des âges.
Elles constituent autant de jalons témoins des civilisations qui s’y sont succédées




NECROPOLE DE L’AGE DU FER
A trois kilomètres au sud du bourg et même en en partie sur la commune voisine de Pouydesseaux, au lieu-dit "Treize Pouys" se trouvait une vaste nécropole du premier âge du fer (650-600 avant J.C)
Il en est resté sur le site une quarantaine de tertres funéraires, sur la cinquantaine présumée en 1954-1955 par le Dr J. Lamothe, lesquels étaient alors dispersés dans une lande déserte sous forme de buttes. Des fouilles effectuées dans trois de ces tumuli ont permis d'y découvrir des urnes, avec leur plat-couvercle, contenant des ossements, des vases accessoires, des débris de poterie, et quelques outils et fibules en fer. Chaque tombe était accompagnée d'une fosse charbonneuse ayant recueilli les restes de bucher et était entourée d'un alignement de pierre, témoins des pratiques funéraires caractéristiques de cette période.
En examinant des photographies aériennes du lieu, le Dr Lamothe avait même remarqué une ligne de végétation plus claire que la végétation environnante et dessinant un cercle presque parfait de 140 m de diamètre et dont le centre était à 260 m de la nécropole. De là, pouvait-on penser aux traces d’une enceinte d'agglomération protohistorique ? De fait, d'autres nécropoles de ce genre s'échelonnent tous les trois kilomètres le long des ruisseaux de Corbleu ou Beillons (sites de Théné et Loustalet à Pouydesseaux)
Ce toponyme de Treize Pouys atteste que le site était connu de longue date. D’ailleurs la tradition populaire y a toujours vu un lieu hanté, voire de sabbat. 


exemple des urnes découvertes (source Gallia 1955-1957)


Dr J. Lamothe - Découverte à Sarbazan d'une nécropole protohistorique et de nouveaux vestiges de la villa gallo-romaine, dans Actes du IX' Congrès d'études régionales de la Fédération historique du Sud-Ouest. Saint-Sever, 1956 (Dax, 1957 -p. 11-18) et bulletin de la Société de Borda 1956 (pp 1-8).


G. Lagardère et P. Raymond - Le matériel archéologique de la nécropole de Sarbazan, dans Bulletin de la Société préhistorique française - Vol 81 -n° 8 - 1984 - pp 253-256)

VILLA ET MOSAIQUES GALLO-ROMAINES DE MOUNEYRES 


Sur le plateau qui domine le coteau, non loin et au nord de l'église, au lieudit Mouneyres, on mit à jour les vestiges des substructions d’une vaste villa gallo-romaine.  Sur un grand carré autour d’un atrium s’y succédaient plusieurs salles comportant des pavements de mosaïques, dont celle formée de rinceaux entrelacés de vigne. Après de premières fouilles dès 1891 par M de Bouglon, les parties découvertes ont été recomblées et des platanes plantés sur ces lieux qui ont détruit une bonne partie des mosaïques restantes. De nouvelles fouilles entreprises en 1961 et 1962 découvrirent de nouveaux vestiges plus étendus et une grande quantité de plaques de marbre.


En 1891, la découverte d'une salle révèle une mosaïque composée de panneaux entourés d’une bordure de cornes d’ abondance répandant à profusion fleurs et fruits  décrite ainsi par le baron de Bouglon : "Celui conservé représente quatre vases richement décores chargés chacun d'une pyramide de fruits dont les sommets vont se rejoindre au centre de la composition, huit corbeilles de jonc tresses de rubans, contenant des fruits, chargent la base des côtés, tandis qu'entre chacun de ces paniers placés symétriquement deux par deux, s'élèvent des branches feuillues qui s'enlacent avec le plus gracieux effet" Un autre panneau a été détruit (Bulletin de la société archéologique du Midi de la France - n° 10 1892 - pp 20-21- et Revue des Pyrénées 1891 p 1051)
Le nom de Sarbazan serait alors issu de Serviatius, le nom du propriétaire du domaine agricole primitif.

Deux fragments subsistants du grand ensemble de mosaïques du IVe siècle de cette villa antique de Mouneyres ont été déposées et sont présentées au Musée Départemental d'Histoire et d'Archéologie d'Arthous, dans la galerie de la cour de l’ancien cloître.


mosaïque de Sarbazan exposée à l'abbaye d'Artous


Il semble que l’église bâtie aux XIe et XIIe siècles aux abords de la villa remploya une partie des  matériaux, et il n’est pas exclu que les débris qui en restaient aient pu servir de servir de carrière pour bâtir les maisons du village ou de fondations pour les asseoir. Ainsi au XIXe siècle un forgeron employait encore une plaque de marbre blanc comme soutien de la fenêtre de son atelier. 
fragments de mosaïque de la villa de Mouneyres

Dufourcet-Taillebois-Camiade : L'Aquitaine historique et monumentale Tome I (1890 et réed 2015)   
  BALNEUM ET MOSAÏQUE
A l’est de l’église, les pentes du vallon recelaient encore au XIXe siècle, çà et là, des moellons, des morceaux de marbre blanc, des débris de poterie et de petits blocs de ciment romain. A environ 60m en contrebas, existait une source guérisseuse dédiée à Notre-Dame et quelques pans de murs en petit appareil émergeant du sol, restes attribués à une ancienne chapelle de dévotion. C’est sous cet emplacement qu’un paysan désirant enfouir une vache morte découvrit fortuitement, les vestiges de ce qui s’avéra être des bains gallo-romains. Le fond d’une piscine affectant une forme trilobée (dit plan tréflé) était orné d'une mosaïque d’environ7m de long, sur 5 m environ de la base à l'extrémité de la partie cintrée. Autour, la façade intérieure des murs portait encore la trace des parements de marbre bleuté et vert des Pyrénées, lesquels étaient adossés à une construction en briques. Des colonnes lisses de marbre bleu reposant sur le mur bas devaient supporter une charpente. Malheureusement, plusieurs parties de la mosaïque représentant de multiples poissons et des dauphins jouant autour d'une sphère furent arrachées et dispersées. Un paysan employa les débris d'une partie de celle-ci pour orner le seuil de sa maison, une autre partie servit de carrelage de cuisine de la métairie du Pruc.

Baron de Bouglon - Note sur une piscine, à fond de mosaïque, trouvée à Sarbazan le 23 avril 1888, dans Bulletin de la Société archéologique du Midi de la France- 1888 -p 67 - et La mosaïque de Sarbazan, dans Bulletin de la Société archéologique du Midi de la France- 1888 p 94-96 (avec dessin de la mosaïque)




MOTTES FEODALES DE CASTAILLON

A l'est du bourg, au lieu-dit Picard du quartier de Castaillon se trouve une imposante fortification de terre dite "les doucs de la motte".  L'ensemble est situé sur le rebord du plateau qui domine la Douze et dont l'important dénivelé constitue une défense naturelle. Il comprend une basse-cour d'environ un demi hectare, un rempart de défense de terre, semi circulaire, au sud et deux buttes tronconiques hautes de 10 mètres, entourées d'un large fossé qui les sépare du rempart de terre. 
Ce sont celles décrites en 1888 par le baron de Bouglon, qu’il situait au domaine de Castellon, et consistant en « deux hauteurs parfaitement nettes, l’une de 22 mètres de haut sur 20 mètres de long, l’autre de 35 mètres de haut sur autant de long ». Le toponyme de Castellon, ou plutôt Castaillon, dériverait donc bien du latin castellum.


Au pied du rempart une source dite "houn de la motte" alimente un ruisseau qui coule dans l'enceinte.
Cette enceinte dépendait d'une seigneurie de la Porte dont l'origine connue remonte au dernier quart du XIIIe siècle comme vassale du roi Edouard 1er d'Angleterre duc d'Aquitaine, puis passée aux mains de la maison de Béarn. Elle aurait alors constitué une défense du bourg castral de Roquefort de Marsan situé à trois kilomètres.

(1)    Douc : tas de terre amoncelée (Dictionnaire gascon de V. Foix)


motte indiquée comme ancienne redoute sur la cadastre de 1810


J.M. Fritz - Les mottes de Castillon à Sarbazan, dans Bull. Amis des Archives des Landes - Association landaise de Recherches et de Sauvegarde- n°13 1999 pp 5-10.
Baron de Bouglon – Notes sur une sépulture et les « mottes » de Castellon, du village de Sarbazan, dans Bulletin de la Société archéologique du Midi de la France- 1888 p 69.
A. Dané - Quelques notes sur le site de Sarbazan, dans Actes du IXe Congrès d'études régionales de la Fédération historique du Sud-Ouest, Saint-Sever - avril 1956 - dans Bulletin Borda 1957 pp 19-20.


L’EGLISE




Située à l'extrémité d'un promontoire, l'église fut construite à la fin du XIe siècle sur les ruines d’un édifice antique (temple païen ?) comme l’atteste les murs d’une chapelle latérale construits primitivement en petit appareil de moellons gallo-romain, et en remployant une partie des matériaux de l’ancienne villa voisine. L’édifice primitif était composé d'une nef plafonnée, dont subsistent une partie des murs sud et est (le chœur actuel), et d'un chevet plat, carré, qui est entièrement conservé et sert aujourd'hui de sacristie.


XIIe siècle
C’est, selon J. Cabanot, dans les dernières décennies du XIIe siècle, qu’une absidiole à travée droite et chapiteaux historiés fut accolée au flanc sud (actuelle chapelle de la Vierge).
XIVe siècle
Les troubles de la guerre de Cent Ans justifièrent la fortification de l'édifice et la construction d'une puissante tour carrée au-dessus de la travée droite de la chapelle sud. Sa face sud comporte une belle ouverture romane dans un cadre en relief sur le reste de la façade, et, en-dessous, une ouverture en plein cintre semblant d’origine romane, mais aveuglée, dont la destination reste inconnue. Sur la partie supérieure, deux petites ouvertures en croix, ou archères, sont caractéristiques de l'emploi du tir à l'arc par les archers anglais du XIVe siècle. Ce véritable donjon d’environ vingt-deux mètres de haut est couronné de merlons et créneaux et un toit en pavillon aplati. Les traces d’un ancien crénelage au-dessus de la porte cintrée à demi obturée, et les changements de matériaux employés prouvent que cette tour a été rehaussée. Par ailleurs deux salles fortes communicantes furent ajoutées au nord du massif oriental jouxtant la tour. Des pierres saillantes auraient pu y supporter d’éventuels hourds.
Puis, la nef romane fut en grande partie reconstruite et très élargie. Sa partie devint le sanctuaire du nouvel édifice. Une tourelle d'escalier est accolée au mur ouest de la travée droite.



XVe siècle
C’est sans doute à cette époque que la nef et le nouveau chœur ont été voutés
XVIe siècle
Le sac, pillage et incendie de l’église lors des guerres de religion par les troupes huguenotes du capitaine Thoiras le 7 septembre 1569 (le vicaire y a été massacré) a nécessité la restauration des voutes, et la reconstruction des parties hautes du mur sud de la nef (les moellons remplaçant l’appareil régulier de la base). On y remarque une porte romane murée et cachée en partie par le contrefort appliqué contre la muraille lors de la reconstruction. Elle devait être une communication avec un bâtiment adossé.
XVIIIe siècle.

A l'ouest, on a plaqué contre la façade de l'ancienne église un vaste porche grandiose de style néo-classique avec six pilastres doriques encadrant trois portes, un fronton triangulaire et un attique coiffé de quatre urnes. Le tout jure quelque peu avec le reste de l'architecture. Une pièce à l'étage dont les fenêtres ont été obturées servit de logement au curé de 1838 à 1872.

XIXe siècle
L'église subit encore quelques travaux de restauration, notamment en 1893 avec le remaniement des baies de la nef.
panneau informatif sur le site

Le porche s'ouvre sur une nef unique de deux travées, voûtée d'ogives, dont le mur sud conserve des éléments de l'édifice du XIe siècle. Dans le prolongement de la nef, un arc triomphal en tiers-point donne accès au chœur plus étroit, rectangulaire, couvert d'une voûte d'ogives. Derrière le mur du fond se trouve l'ancienne abside carrée de l'église du XIe siècle.

Dans le chœur se trouvent des culots des XVe ou XVIe siècles représentant respectivement un jeune homme aux cheveux longs, vêtu d'un maillot moulant échancré sur le buste et laissant voir une chemise lacée qui tient un bâton, à la main droite, une tête d'homme barbu aux cheveux longs, les yeux fermés, ou plus simplement des feuilles de chou frisé.
Dans les travées de la nef se trouvent des clés de voute comportant, pour l'une un écu armorié (une vache accornée et clarinée de la maison des vicomtes de Béarn, vicomtes de Marsan au XIIIe siècle) dans un hexagone cantonné de feuilles de chou frisé, pour l'autre une effigie de saint Pierre assis sur un trône, coiffé de la tiare, bénissant et tenant une clef, et sur la dernière un monogramme entouré de rinceaux
Au sud, la partie romane comporte une travée droite, voûtée en plein cintre et servant d'assise à une tour-clocher, prolongée à l'est par l'absidiole en cul-de-four, laquelle communique avec l'ancienne abside d'origine (sacristie) par un étroit passage.
On entre dans la salle voutée de la tour par un arceau cintré roman posé sur deux colonnes. Un autre arceau semblable permet la communication entre la tour et la chapelle. Les tailloirs des chapiteaux de l'entrée de la chapelle sont ornés en damiers et se prolongent tout autour, à la naissance de la voute, formant une corniche. C’est la partie de l'ancienne église romane du XIIe siècles. On y remarque quatre colonnes supportant des chapiteaux historiés dont l'abbé Bessellère a fait la description et interprété la signification en 1887 (voir références infra)
L'arc d'entrée de l'absidiole du XIIe siècle comporte deux chapiteaux historiés. Sur le premier, au nord, on peut voir un homme au visage glabre, assis, les mains posées sur les genoux, et sur les côtés deux hommes debout. Sur le second, au sud, la composition est identique, mais l'homme central empoigne sa barbe bifide d'une main.
L'arc d'entrée de la travée comporte deux autres chapiteaux. Sur le premier, à l'est, on peut voir Daniel tenant un livre, entre deux lions, et sur les côtés une tête masculine surmontant le corps de lions. Sur le second, à l'ouest, le Christ bénit et tient le livre, dans une mandorle perlée portée par deux personnages non ailés, et sur les côtés, un petit personnage portant un oiseau sur sa tête. Sur les côtés du tailloir se trouvent des oiseaux affrontés buvant dans une coupe.


Le mobilier original ayant été pillé en 1562 ne fut renouvelé qu'à la fin du XVIIe siècle. On peut cependant voir dans le chœur un beau retable (classé MH) du XVIIIe siècle exécuté vers 1713 par le sculpteur montois Pierre Floche, incluent un tableau de crucifixion et les statues grandeur nature de st Pierre, St Paul et St Jean-Baptiste.



Abbé Bessellère : Notes archéologiques - l'église de Sarbazan, dans Bulletin de la Société de Borda – 1887 – pp 107-116
M. P. Roudié - Le retable de Sarbazan, dans Actes du quatre-vingt-deuxième Congrès national des sociétés savantes, Bordeaux, 1957, Section d'archéologie - 1959
 SARCOPHAGES
Sur plusieurs hectares autour de l'église on a découvert plusieurs sarcophages dont les plus anciens estimés de l'époque mérovingienne, mais plus surement des XIe ou XIIe, d'autres plus récentes jusqu'au XIVe siècle. C’est donc une vaste nécropole qui se trouvait à l’ouest de l’église, peut-être dès l’antiquité. Lors de travaux effectués en 1981 près du porche occidental de l’église on découvrit ainsi deux sarcophages monolithiques attribués au VIe siècle que l’on peut encore voir à l’extérieur de l’église, à quelques mètres du mur sud du chevet. L’un est orné d’une croix pattée en relief sur le couvercle, et des chevrons gravés sur les petits côtés de la cuve. 


les sarcophages du VIe siècle


LES FONTAINES


Fontaine Notre-Dame-de Pitié

A l’origine simple trou dans la terre et presque au milieu d'un marais, cette fontaine considérée comme miraculeuse ou du moins guérisseuse, fut accompagnée, au moins au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, d’une chapelle portant le vocable de Sainte Marie où l'on honorait une Notre-Dame de Pitié

La saga de la statue de Notre-Dame-de-Pitié (Pieta)



Les comptes du marguillier de la paroisse mentionnaient, en 1627, une statue qu'on était allé chercher à Cazeres. Cette statue de bois polychrome attribuée au début du XVIe siècle fut transférée dans l'église paroissiale au moment de la Révolution. Puis, comme par la suite le culte ne fut pas rétabli dans la paroisse, elle fut vendue en 1794 à un habitant de Labastide d’Armagnac. La légende raconte que lors de son transport vers l'acquéreur, les bœufs de la charrette regimbèrent à plusieurs reprises faisant rouler par deux fois la statue à terre, et alors qu'elle allait tomber une troisième fois le convoyeur la frappa de son aiguillon si bien qu'un doigt se détacha de la main de la madone. On peut constater cette mutilation dans l’église Notre-Dame de Labastide-d’Armagnac où se trouve actuellement la piéta de Sarbazan.
En dépit des protestations des paroissiens de Sarbazan et des tentatives de rachat, elle ne fut jamais restituée. On racontait que lorsqu’un habitant pénétrait dans l’église de Labastide, la vierge pleurait ! On se contenta d’en faire une copie de plâtre en 1892 dont le transfert à l’église de Sarbazan eut lieu le lundi de Pentecôte 1899. Pour restaurer un culte à cette source, on dressa un modeste abri, dans la prairie et en lisière de forêt, avec et un piédestal sur lequel fut placé une petite statue de la vierge. L’eau qui en sort se jette dans le ruisseau de Castaillon.

M. S. : Notre-Dame de Sarbazan ou la vierge qui pleure, dans l'Univers du 19 août 1901.

Fontaine Saint-Eutrope.


Située à quelques pas à l'arrière de l'église, contre le mur du cimetière, l'antique source est abritée depuis 1893 par un édicule et oratoire maçonné agrémenté d'une statue du saint. Son eau soignait principalement, par ablutions, tous les "estropiés" de la région, ainsi que les maladies de peau. 



église et fontaine saint Eutrope
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