DE MONT DE MARSAN
extrait de La France pittoresque
LES FAITS
Episode 1
Une découverte curieuse et précieuse est faite en février 1810, lors de la démolition du « château vieux » pour y aménager la place sur laquelle va déboucher le nouveau pont sur le Midou (ce château se trouvait à l’emplacement actuel du théâtre municipal).
Ainsi, le Journal des Landes du 1er mars 1810 rend compte de la découverte de cinq parchemins en langue romane, dits chartes, dans les fondations du bâtiment. Cependant, aucun détail n’y est révélé sur les circonstances de cette affaire qui restent bien vagues.
Peu après, le préfet évoque solennellement six parchemins, incluant sans doute un document en latin non mentionné par le journal.
Trois d’entre eux sont présentés comme des copies d’actes dressés en 1141, faites par notaire à l'initiative d'Alexandre de Gourgues, le maire de l'époque, et datées du 2 août 1400. Elles auraient donc été destinées à être déposées pour la postérité, à l'abri de la destruction dans les fortifications alors en cours de réfection
On y découvre les détails précieux sur la fondation de la ville, son rôle militaire et les annales depuis Charlemagne, mais y sont également révélé le nom de plusieurs personnages correspondant à des notables de l’époque qui en seraient donc les descendants.
Après que les originaux aient été remis avec cérémonie et discours entre les mains du maire, M le marquis de Lyon, qui s'honore de les mettre sous clés, des copies sont placées dans une urne déposée dans les fondations de la nouvelle préfecture, à l'occasion de la cérémonie de la pose de la première pierre le 29 décembre 1810.
Les trois premières sont des expéditions, datées de 1440, d’actes de 1441.
- la première est une transcription d’un parchemin rédigé en 1012 sous le duc de Gascogne. retraçant l’histoire depuis 778 jusqu’aux invasions normandes
- la deuxième évoque la refondation de la ville par Pierre de Lobanner en 1141
- la troisième est le procès- verbal d’investiture du vicomte de Marsan
La quatrième, en latin, authentifie les précédentes et fait référence à leur mise en sécurité
Episode 2
Puis ces chartes sont oubliées, et même perdues jusqu’à leur nouvelle découverte en 1843 au fond d’un carton des archives municipales. Mais il n’ en reste plus que quatre.
On les confie au bibliothécaire de Pau chargé de les déchiffrer et de les publier. Ce qui est fait en 1850. Les experts consultés, tel le secrétaire des Archives de France donnent leur visa d’authenticité et, bien vite, l’histoire ancienne de Mont de Marsan ainsi dévoilée est reprise par Pascal Duprat dans sa Notice sur Mont de Marsan et par V.A. Malte-Bun dans sa France Pittoresque.
Episode 3
Cependant, l'abbé historien J.J. Monlezun, doutant certainement, se garde d'en faire usage dans sa monumental Histoire de Gascogne de 1846, et, en 1854, la revue l’Athenaeum Français indique que le style employé et quelques points de droit féodal révèlent l'oeuvre d'un faussaire.
A Mont-de-Marsan, on conteste, on s’offusque, on s’explique, on polémique…..
Le coup de grâce est donné par l’historien et chartiste J.F. Bladé qui vient sur place se livrer à une enquête et un examen des documents Ses remarques publiées en 1861 sont sèches :
Invraisemblances, anachronismes de style, détails copiés dans des ouvrages anciens, langue malmenée, formules incompatibles avec le droit féodal, faits maladroitement ajoutés à l’ histoire, ou contradictoires avec les faits connus.
La conclusion est sans nuance:
Ce sont des faux apocryphes modernes, nés de la collaboration du baron J M Duplantier, prefêt, et de M Ducournau, candidat à la magistrature impériale ,sans doute le vrai faussaire. Ce dernier personnage qui annonçait la rédaction d’une Histoire du Marsan qui ne vit jamais le jour, était un ancien procureur du roi au sénéchal de Marsan, lettré et sans doute érudit, à tout le moins au fait des documents anciens.
L’affaire est ainsi close.
M. Duplantier partira à la préfecture du Nord, bien plus importante, et M. Ducournau sera nommé président du Tribunal en 1812.
MAIS ALORS POURQUOI DE FAUSSES CHARTES ?
S’agissait-il d’inventer une histoire glorieuse mais falsifiée, remontant à Charlemagne, de nature à flatter le patriotisme local dans la recherche d’une origine ancienne à faire pâlir les Dacquois ?
Peut–être, pour le préfet, de rappeler des règles anciennes d'une politique religieuse semblable à celle pratiquée par l’Empire napoléonien et la servir contre l’opposition du clergé ? (en utilisant la quatrième charte romane qui contenait la législation concordataire du vicomte de Marsan, laquelle devenue par la suite mal a propos a disparu bizarrement sous la Restauration, entre 1813 et 1820 )
Simple mystification de M. Ducournau, épris d’histoire, pour se faire plaisir ?
vue de Mont-de-Marsan en 1838 ( BM Toulouse)
SOURCES
Chartes de la ville de Mont de Marsan - Mt de Marsan-imp.veuve Leclercq 1850- in-8°- 161p ( par MM Lecamus et Dulamon )
Observations sur les chartes de la ville de Mont de Marsan - Soubiran- imp veuve Leclercq –Mont-de-Marsan –s-d
Pierre de Lobanner et les quatre chartes de Mont de Marsan - JF Bladé - Paris-Dumoulin-1861-
Les chartes de Mont-de-Marsan; mystification politique - HL Bordier- in Bull de la société de l'histoire de France 2° série- T III - 1861 1862 pp 101-200
Revue Athenaeum français - M. Bordier – datées des 18 02 et 12 04 1854 --
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