GOUTS ANTIQUE

Le modeste bourg de Gouts (moins de 300 habitants) établi sur une terrasse dominant la rive droite de l’Adour qui coule à 1km au sud ne paie pas de mine. Pourtant son sous-sol a, à maintes occasions, révélé qu’il fut une bourgade antique relativement importante objet d’une occupation permanente depuis la haute Antiquité, la période gallo-romaine puis le haut Moyen Âge. L’emprise des découvertes archéologiques couvre ainsi plus de 15 hectares de terrain sur lesquels sept bâtiments sont actuellement attestés.

sous l'herbe dort le passé antique

Dans les années 1999 à 2001, des prospections systématiques ont été engagées sur une surface d’environ 37 hectares autour de l’église ainsi que sur une parcelle du lieu-dit Le Gliziaou (En 2004 et 2005, des prospections sur 155 hectares, autour du bourg ont révélé en outre la présence de plusieurs témoins d’un habitat antique dispersé).

A l’occasion de l’inventaire des prospections effectuées depuis la fin du XIXe siècle ont été recueillis, ou récupéré des anciennes découvertes, des kilos de tessons de céramique, des fragments de vases, d’amphores, de tuiles plates ou creuses (imbrices ou tegulae), de l’enduit peint, du verre antique, des fragments de fibules, un sceau de bronze, de plaques boucles en bronze étamé ou fer, du VIIe s, et de multiples monnaies du Ier s av. J.C. au Ve s.



Tous ces éléments attestent d’une occupation continue du lieu de la fin du IIe siècle avant J.C. au VIIe siècle
autour de l’église actuelle. La présence de vestiges du Haut Moyen-Âge prouve la pérennité de fréquentation au-delà.

d'après C. Gay - S.R.A. Aquitaine 2015

 LES DECOUVERTES

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POLES D’0CCUPATION DU BOURG

les zones de concentration des vestiges
 d'après D. Vignaud S.R.A. d'Aquitaine 2002

 Site du lieu-dit l’Eglise (cadastre A 387- A 391- A 399)

L’existence de vestiges antiques est signalée dès 1873 par l’historien dacquois A. Dompnier de Sauviac (Chroniques … p. 88-89) près l’église, entre le quartier de Ticq et celui de Morian. Il en donne la description suivante :

« De chaque côté d’une rue pavée, large de huit mètres, existent des murs très épais, antérieurs au Xe siècle ; ce sont les fondements d’édifices ou de grandes habitations à en juger par leur largeur. Nous en avons extrait des briques à rebord, semblables à celles des remparts de Dax, des débris de pots de forme antique ; le béton qui les unit contient des morceaux de briques ; tout indique qu’ils remontent au IIIe ou IVe siècle ».

Mais il interprète ces vestiges comme le témoignage d’un centre de population au temps d’une occupation des Goths, d’où il fait dériver le toponyme Gouts

En 1878, H. Du Boucher (Bull Borda p 313-316 – Gallia XXVII 1969 p. 370) mentionne, sur les mêmes lieux, la découverte, sur une centaine de mètres environ, par des ouvriers travaillant à la rectification du chemin de grande communication reliant Gouts à Tartas, d’un sol littéralement pavé de débris d’amphores et de vases de formes et de fabrication très diverses, de grands carreaux de poteries, des vestiges de substructions cimentées, des restes de mosaïque grossière, et quelques ossements humains incinérés. La datation de ces vestiges d’habitations gallo-romaines fut alors donnée par deux médailles, l’une de Claude 1er, l’autre d’Antonin le pieux (138-161).

En 1969 R. Arambourou y signale la découverte de débris d’amphores et de tessons de céramique sigilllée.

En 2005, à l'occasion de la construction de maisons individuelles, des opérations de diagnostic archéologique ont révélé la présence d'une occupation sous la forme d'un mur et d'un réseau de fosses et des trous de poteaux, ainsi qu'une structure de canalisation (tegulae). Ces structures ont été interprétées comme relatives à une occupation agricole (une demi meule dormante de meunier a été découverte à proximité). De plus, une importante concentration de céramiques dans les fosses semble témoigner de la proximité d'un habitat..

Tous ces éléments laissent à penser que le site de Gouts abritait un établissement du Haut-empire dépassant le cadre d’une simple villa.

En 2016, un diagnostic préalable à la création d’un lotissement autour de l’église a confirmé la présence de nombreux vestiges, objets, monnaies et bracelets du Haut Empire.

La présence humaine est attestée ensuite durant la période du Haut Moyen-Age, dès le VIe siècle, par une importante nécropole mérovingienne située à l'emplacement de l'église actuelle du XIIe-XIIIe siècle et de son cimetière, permettant de penser à une christianisation antique du lieu au VIe-VIIe siècle.

Site du lieu-dit Bigné (cadastre A390)

Après des sondages entre 1975 et 1976, puis 2003, une fouille de sauvetage en 2004 à l'occasion de travaux d'assainissement, puis en 2005 et 2015, ont révélé des éléments de trois structures de bâtiments antiques en moellons de pierre de Mugron et mortier à la chaux, murs parementés, briques, fondations en galets, ainsi que la découverte d'un abondant mobilier antique constitué de céramiques communes et sigillée, de fragments d'amphores, d'une monnaie ibérique en bronze de la cité de Kelse frappée en 45-44 avant J.C, d'une fibule du 1er siècle, attestant d'une occupation humaine entre les Ier et IIIe siècles. La fonction de ces bâtiments reste cependant indéterminée.

 


Dans les années 1999 à 2001, des prospections systématiques ont été engagées sur une surface d’environ 37 hectares autour de l’église. Puis, entre 2004 et 2007, des opérations d’inventaire ont permis de recueillir, ou récupérer des anciennes découvertes, des kilos de tessons de céramique, des fragments de vases, d’amphores, de tuiles plates ou creuses (imbrices ou tegulae), de l’enduit peint, du verre antique, des fragments de fibules, un sceau de bronze, de plaques boucles en bronze étamé ou fer, du VIIe s, et de multiples monnaies du Ier s avant J.C. au Ve s. Tous ces éléments attestent d’une occupation continue du lieu autour de l’église actuelle, de la fin du IIe siècle avant J.C. au VIIe siècle.


les Boucles
Ph P.Cambra S.R.A. d'Aquitaine

 

 POLES D’0CCUPATION AU NORD DU BOURG DE GOUTS

 (Dépendant actuellement de la commune de Tartas)

 

Lieu-dit Coucouse

En 1878, H. Du Boucher rappelle la découverte plus ancienne d’un « trésor » (?) près de la métairie de Coucouse, au nord de l’église. En 1969, R. Arambourou y signale la découverte de débris d’amphores à vin et de tessons de céramique sigillée, puis en 1975, à l’occasion sondages lors de travaux d’adduction d’eau, B. Watier y exhume des éléments de maçonnerie et recueille un abondant matériel de céramique commune ainsi qu’un important dépotoir d’amphores d’origine catalane espagnole.

 

Lieu-dit Plaisance (Tartas A 269-A 271)  

Une opération de sondages menée en 2003 au nord du bourg, de l’autre côté du ruisseau de Marrein, a permis de repérer et mettre à jour cinq structures antiques, vestiges d’habitats en murs de grès ou garluche appareillés ou parementés, sur des fondations de cailloutis de galets, ainsi qu’une structure légère en torchis et une aire de circulation en galets, indiquant une activité domestique. Une importante quantité de tessons de céramique fine ou commune a également été exhumée L’analyse de ces éléments, et ceux aux abords, font état d’une fréquentation du site aux Ier et IVe siècles.

 

Lieu-dit Le Gliziaou (Tartas A109)

A environ 500m au nord-est de l’église du bourg se trouve une éminence de terrain dite Le Gliziaou (aujourd’hui lieu-dit Le Petit, dépendant de la commune de Tartas) où la tradition veut qu’aurait existé une ancienne église disparue. H. Du Boucher y met à jour, par un sondage superficiel en 1878, un amoncellement mélangeant pierrailles, débris de poteries, tuiles à rebord, charbons, des cranes et débris humains entassés pêle-mêle. Puis deux campagnes de fouilles menées de 1968 à 1970 par R. Arambourou et J. Hirshinger permettent la découverte de murs en retour parés de contreforts, mais aussi d’ossements en terre libre (parfois des corps entiers), d’une cuve de sarcophage mérovingien, de métal, de mobilier gallo-romain et du haut moyen-âge, de fragments de poterie commune, des céramiques, ainsi qu’un petit bronze de la fin du IIIe s.

Par ailleurs, un nombre important d’éléments de céramique du Haut Empire au Bas Moyen-Age recueillis dans le lit du ruisseau de Marrein qui marque la limite avec la commune de Tartas semble attester de la présence d’habitations à proximité, en relation avec le Gliziaou.

Ces découvertes laissent penser à une première église et nécropole mérovingienne du VIIe siècle implantée sur une occupation primitive antique puis en partie détruite par l’édification postérieure de l’église du haut moyen-âge disparue évoquée par la tradition (église de Saint-Genès mentionnée au XIIe siècle).

(A en croire une bulle du pape Clément IV en 1266, il aurait existé quatre églises et donc paroisses primitives coexistant autour de Gouts durant le Haut Moyen-Âge, dont celle du Gliziaou et l’église actuelle du bourg, mais aucune trace des deux autres disparues)

 

LES VOIES GALLO-ROMAINES

En 1976 et 1977, l’archéologue B. Watier assistée de G. Bareyt ont identifié, à 3 kms à l’est de l’église, ce qui apparaît être une voie antique sur un chemin désaffecté au milieu de la zone forestière des Landes d’Artigues que la tradition locale avait baptisé de « voie romaine ». Les sondages effectués ont montré que cette large voie (4 m et 8m en ajoutant les semelles et fossés) rectiligne, composée, sur une épaisseur de 1,20m, de couches de blocs d’alios, de terre noire, et d’une couche damée de graviers et galets de l’Adour, suivait un tracé à peu près parallèle au cours de l’Adour, approximativement d’ouest en est, en direction de Souprosse. Elle est identifiée sur 2 500 mètres puis repérée sur environ 4 500 mètres. Des morceaux de cette voie, probablement aménagée à l’époque gallo-romaine sur le tracé d’une piste plus ancienne pouvait ainsi relier les cités de Dax et Aire-sur-Adour, ont été repérés au début des années 2000, notamment par D. Vignaud.

Dès 1878, H. Du Boucher évoque "les vestiges d'une voie très ancienne" près du site de Coucouse. Des structures liées à cette voie sont également évoquées en 1977 pr B. Watier, et révélées à proximité et au nord de l'église par des photographies aériennes. Une intervention de 2018 faisant suite à un projet de lotissement à 300 mètres à l'est de l'église, non loin du lieu-dit Couyaou a d'ailleurs permis de mettre en évidence les traces de deux fossés parallèles constituant très probablement les bords de cette voie gallo-romaine. Ces deux tronçons seraient alors un prolongement de la voie repérée dans les landes d'Artigues.

Par ailleurs, en 2004, G. Pujol révèle, à l'occasion de travaux d'adduction d'eau près du site de Bigné, un autre tracé de chaussée antique de construction similaire et sans doute contemporaine des précédentes. Cet axe  qui sépare les parcelles 387 et 391 à l'ouest et 398 à l'est, est perpendiculaire au tracé précédent, orienté approximativement nord/nord-est et sud/sud-ouest ( comme les murs découverts en retrait, cette voie semble avoir assuré l'accès à l'Adour depuis le site gallo-romain du bourg.

Ces deux voies assurent au site antique de Gouts un réseau routier non négligeable qui pourrait être à l'origine de l'implantation et du regroupement de l'habitat dans le secteur de l'Eglise autour de ces deux axes principaux. En effet, les murs et les structures antiques mis au jour sur le site de l'Eglise et Plaisance ont la même orientation le long du tracé présumé de la voie..


GOUTS CARREFOUR DE VOIES – POLE D’ECHANGE ?

Gouts apparait ainsi comme un carrefour économique fluvial et terrestre. L’existence des deux voies romaines toutes proches conforte l’idée que Gouts, idéalement situé au carrefour des cités de Dax et d’Aire-sur-l’Adour, pourrait avoir profité de son emplacement stratégique à la confluence de l’Adour et de la Midouze pour devenir un centre portuaire de transit et d’échange des cargaisons fluviales en raison des problèmes de navigabilité de l’Adour au-delà, nécessitant un transport terrestre.

D’ailleurs, l’identification de la diversité des origines de fabrication des objets recueillis prouve que Gouts n’était pas un simple habitat rural. On constate en effet qu’une part importante de céramiques et monnaies provient d’Hispanie. Une autre partie des céramiques fines rouges (sigillées) peut provenir des ateliers du Tarn (Montans), d’Aveyron (La Graufesenque) voire d’Italie ou Bétique. Dans le domaine monétaire, la province de Narbonnaise fournit le plus d’exemplaires, après les frappes de Rome. De même, la présence d’amphores d’Hispanie Tarraconnaise, ou de vases à sel de Salies-de-Béarn, matérialise bien l’ouverture de Gouts vers l’extérieur.

En résumé, il apparait probable que Gouts constituait un groupement d'établissements ruraux de la période gallo-romaine dont l'emprise importante, le niveau économique relativement élevé, les voies, la proximité du fleuve, peuvent militer en faveur d'un site portuaire sur l'Adour (installé à l'écart des risques d'inondation) et un pôle d'échanges. Mais, à défaut d'autres découvertes probantes, la nature exacte de son implantation, l'étendue de son occupation, et son rôle, restant à confirmer..

 

Cependant, les vestiges de ce passé antique posent un problème à la commune. Le moindre projet de voirie ou de lotissement aux abords de son église suscite la réaction des services d’archéologie (DRAC et INRAP) qui exigent un diagnostic et des prospections préalables à toute réalisation. Ce fut le cas entre 2015 et 2018 pour un terrain près de l’église et l’emplacement de l’auberge de la Poutoune détruite par un incendie, qui amena la mairie à renoncer à son lotissement et transformer son projet en parking pour éviter les fouilles exigées avant tout permis de construire… Il n’y eut donc pas de fouilles.


2017 - le maire de Gouts dépité, sur le site du litige 

ph. Ph.Salvat-Sud-Ouest-


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SOURCES UTILES POUR LES CURIEUX

 

R. Arambourou – Rapport d’activité – SRA d’Aquitaine 1965.

R. Arambourou – Découverte de débris d’amphores et tessons de céramique sigillée au lieu-dit Coucouse – Gallia XXVII 1969 p 370.

B. Boyrie-Fenié – Carte archéologique de la Gaule : Les Landes - Académie des Inscriptions et Belles Lettres, Paris 1995.

L. Callegarin – L’étude des monnaies découvertes lors de prospection et d’un sondage réalisé à Gouts-Le Bigné – in G. Pujol : rapport sur le sondage de la parcelle A390 - SRA d’Aquitaine 2004.

L. Darmon – La contribution de la céramologie à l’identification typologique d’un site archéologique : le cas du site de Gouts (Landes) – master -Université de Pau et des Pays de l’Adour 2015.

A. Dompnier de Sauviac – Chroniques de la cité et du diocèse d’Acqs - Dax, Champion, 1869-1873.

H Du Boucher – Découvertes archéologiques à Gouts – in Bulletin de la Société de Borda 1878.

C. Gay - Evolution et dynamique du peuplement humain à la confluence de l’Adour et de la Midouze, de la protohistoire à nos jours. Opération de prospection-inventaire. - SRA d’Aquitaine 2015.

J. Hirshinger - Le Gliziaou àTartas. Rapport de sondage - SRA d’Aquitaine 1968.

N. Moreau – Rapport de diagnostic, Gouts, L’église - INRAP Grand Sud-Ouest - SRA d’Aquitaine 2017.

G.Pujol – Rapport sur le sondage de la parcelle A390 Gouts - SRA d’Aquitaine 2004.

G.Pujol – Rapport sur le sondage de la parcelle F271 Gouts - SRA d’Aquitaine 2003.

D.Vignaud – Gouts (Landes) : de l’Antiquité au Moyen-Age, données nouvelles de prospection - SRA dAquitaine 2002.

D.Vignaud – Rapport de l’opération de prospection de 2003, Gouts - SRA d’Aquitaine 2003.

D.Vignaud – Inventaire du matériel numéraire et métallique -in G. Pujol – Rapport sur la parcelle F271, Gouts - Service régional de l’Archéologie Aquitaine 2003 p 29-34

D. Vignaud - Gouts. 25, route d’Audon, Bilan scientifique - SRA d’Aquitaine 2015.

B. Watier – rapports de sondage, Gouts - SRA d’Aquitaine 1975, 1977.

L. Wozny – Rapport de diagnostic – Gouts l’Eglise (Landes), parcelles A399, Gouts - SRA d’Aquitaine 2005.

L. Wozny – Rapport de diagnostic – Gouts l’Eglise (Landes), parcelles A387 et A391, Gouts - SRA d’Aquitaine 2005



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