Le saviez-vous ?
C'est dans les Landes que François 1er, roi de France, épousa
religieusement, en secondes noces, Eléonore de Habsbourg, dite Eléonore
d'Autriche, soeur aînée de l'empereur Charles Quint et veuve du roi Emmanuel du
Portugal.
Cet évènement historique s'est en effet déroulé dans la
nuit du 6 au 7 juillet 1530 dans le petit village du Frêche, entre Villeneuve
de Marsan et Labastide d'Armagnac, où se trouvait alors le vieux et primitif
couvent des Clarisses de Saint Laurent de Beyries dont il ne reste aujourd'hui
que quelques traces.
Bien sur, ce fut un mariage quelque peu particulier, sans
faste ni éclat, sans grande cérémonie, plutôt confidentiel et rapide, qui n’a
pas laissé beaucoup de traces dans les archives et mémoires.
Comment est- ce possible ?
Petit rappel historique :
François
1er est alors le rival du puissant Charles-Quint, roi d’Espagne, Sicile et
Naples, par sa mère Jeanne la Folle, et héritier du Saint-Empire Germanique,
Autriche, Pays-Bas, Flandre, Artois et Franche-Comté , possessions des
Habsbourg. Fait
prisonnier lors de la défaite de Pavie en 1525 au cours des guerres d'Italie,
le roi de France reste détenu en Espagne jusqu’à la signature d’un humiliant
traité de Madrid le 14 janvier 1526, par lequel il doit renoncer à toute
revendication sur l’Italie, les Flandres et l’Artois, et livrer le duché de
Bourgogne à l'empereur Charles Quint.
Veuf
de Claude de France, il doit, en application de ce même traité, épouser la
propre soeur aînée de Charles Quint, âgée de vingt-huit ans et veuve depuis
quelques années du richissime roi du Portugal Emmanuel 1er.
Des
fiançailles sont organisées dans la chambre du roi alors malade et prisonnier
au château de Madrid, puis le mariage est ratifié au château d'Illescas. Le
peu d’empressement du roi de France à signer et respecter les clauses imposées,
puis les circonstances et évènements qui suivent amènent les deux ennemis à
laisser Marguerite d’Autriche, tante de l’empereur, et Louise de Savoie, mère
du roi , négocier un nouveau traité signé à Cambrai le 3 août 1529, connu sous
le nom de la "Paix des Dames" destiné à réconcilier les deux
souverains. En le ratifiant, Charles Quint Charles Quint renonce à la Bourgogne
souhaitant rester française, et François 1er renonce à l’Artois, à la Flandre
et à ses vues sur l’Italie.
Ce
nouveau traité maintient cependant l'engagement du mariage du roi de France
avec la soeur du puissant roi d'Espagne, dans le but de pacifier leurs
relations par une alliance des familles. François
1er est alors libéré mais doit remettre en otages ses deux jeunes fils, le dauphin
François d'Anjou, et Henri de France, le futur Henri II, qui sont ainsi retenus
prisonniers en garantie de l'exécution des clauses du traité incluant le
versement d'une importante rançon.
Les
tractations et manœuvres s’éternisent et le terme assigné approchant, François
de la Tour, vicomte de Turenne est envoyé en Espagne, au début de 1530, pour
épouser la reine Eléonore au nom de son maitre .Ce mariage par procuration est
célébré le dimanche 20 mars à Torrelaguna en Castille par l’archevêque de Tolède
« Item, est convenu et accordé que le mariage d’entre ledit
seigneur roy et madame Eleonor, royne douaigier de Portugal, seur aisnée dudit
seigneur empereur, accordé par ledit traixté de madril, s’accomplera ; ……. Et
après, pour l’accomplisement et consommation d’ycelluy, elle sera menée en
France au mesme instant de la delivrance de mesdits seigneurs les dauphin et
duc d’Orléans ».
Arrivée de la reine Eléonore
Les
choses s’arrangent et le versement d'une première partie payable comptant de la
colossale rançon fixée à 2 000 000 d'écus d'or, rassemblée dans le château
vieux de Bayonne, permet la libération de ses deux fils détenus à Madrid depuis
quatre ans. L'échange a lieu le vendredi 1er juillet 1530 entre Hendaye et
Fontarabie, sur la Bidassoa.
Eléonore,
a quitté le Portugal, et rejoint les enfants royaux pour aller à la rencontre
de François 1er venu à Bordeaux.
Elle
approche par Bayonne et Dax, et arrive le 4 juillet 1530 à Tartas pour loger au
château dans lequel elle est reçue par le roi de Navarre, alors que François 1er
qui chevauche vers Captieux. où il couche le soir du 5.
Après
avoir demandé au duc Anne de Montmorency, Grand Maitre de France, qui
accompagne la reine depuis la frontière, de pourvoir au logement de celle-ci
entre Mont-de-Marsan et Roquefort, il fait annoncer que " le
lendemain mercredy, il se trouverait en une abbaye nommée Verrieres, deux
lieues par de là la ville du Mont-de-Marsan, qui est aussy au dit Roy de
Navarre » et invite a l'y rejoindre pour le coucher.(abbaye nommé selon
les auteurs Berye, Bayres, Verin Veyen … )
Le mariage discret et rapide
Manifestement le fier François
1er souhaite une célébration de mariage sans éclat, des plus
minimaliste et discrète. Cette union imposée n’est que politique, et demeure en
effet le symbole de sa défaite. Ce n‘est donc ni à Bordeaux, ni même à Bayonne
ou Mont-de-Marsan mais bien en un lieu caché qu’il convie sa future épouse. Ce
lieu, il le connaît depuis son retour d’Espagne 4 ans plus tôt. S’étant arrêté
à Mont-de-Marsan à la fin mars 1526, il y avait rencontré sa cousine Marguerite
d'Albret qui dirigeait l’abbaye des Sœurs Clarisses. Sans doute lui avait-elle
évoqué ce petit couvent de Beyries, quasi abandonné et perdu dans la campagne
et la forêt de Fraximon à Saint Laurent d'Auranet, près du bourg du Frêche. Du
reste, sa propre soeur Marguerite, devenue reine de Navarre, fera de Mont de
Marsan et du couvent des Clarisses, son " ermitage".
.
Mont-de-Marsan
Le
lendemain, au petit matin, après avoir entendu la messe, la litière de la
reine, les haquenées des princes, le cortège et l’escorte se mettent en route
pour Mont-de-Marsan. L’y rejoignent, le cardinal de Bourbon, le cardinal de
Lorraine et son frère le duc de Guise, le comte de Saint Pol et une troupe de
gentilshommes de leur compagnie.
Un
chroniqueur contemporain, témoin des faits (un certain Sébastien Moreau, chargé
de la contribution du clergé du Limousin à la rançon du roi), précise que le
cortège de la reine à été reçu au château de Mont-de-Marsan par le roi de
Navarre vers 13h pour le dîner, puis:
" …le tout prest, 4
heures apres-midi approuchant, montèrent à cheval et allèrent prendre le chemin
de ladite abbaye de Verrières pour aller trouver le Roy »
Tout
ce monde est hébergé dans les environs. Le chroniquer indique:
"... Il faut entendre que la presse estoit
si grande qu il y en eust beaucoup qui tiendrent camp parmi les Lannes, car de
grands villages à l'entour n'y avoit, ne pareillement à boire et à manger pour
tant de gens, par quoy n'y firent long séjour".
On
dit que c’est en la maison forte ou "salle" de Tampoy que le cardinal
de Tournon aurait reçu l'hospitalité. Ce petit manoir existe toujours, et, sur
la foi de la tradition locale, on pouvait y voir encore, il y a quelques
décennies, une inscription indiquant la chambre qu’aurait occupé le roi.
la maison forte de Tampoy
De
fait, François 1er ne parvient sur les lieux que le 6 juillet «
autour de mynnuigt »
C’est
le lendemain matin, jeudi 7 juillet, que doit avoir lieu la cérémonie nuptiale
devant les quelques dignitaires présents, dont Jean de la Barre, le prévôt de
Paris, mais le roi impatient veut en finir, si bien qu’il y est procédé au
milieu de la nuit.
« ... Ils arrivèrent bientôt à ladite abbaye en
l'église de laquelle s'était déjà appresté révérend père en Dieu, Monseigneur
de Lisieux, grand aumônier dudit seigneur, lesquels après qu'ils se furent
repousés et mis en ordre allèrent en ladite église, qui était asse tard, et lors ledit evêque les espousa, et après
s'allèrent mettre a table pour souper « et aprez se retirèrent ensemble pour
prendre le plaisir de marriage l'un avec l'autre, que je ne déchiffrerai
autrement en le laissant penser aux lecteurs et auditeurs", ajoute le chroniqueur.
Un
autre précise « et fut le lict prêt où ils
couchèrent ensemble »
ce qui restait de l'abbaye de Beyries il y a quelques années
« Le lendemain jeudi septiesme jour du mois
de juillet, après diner, partirent de ladite abbaye de Verrieres et prinrent le
chemin de la ville et cité de Bazas »
( qu’ils doivent éviter pour cause de peste)
( qu’ils doivent éviter pour cause de peste)
C'est à Roquefort, où ils logent le soir, que les deux époux paraissent pour la
première fois ensemble devant le peuple de France. De là, le cortège gagne
Bordeaux pour rejoindre Louise de Savoie et Marguerite de Navarre, la mère et
la sœur aînée du roi.
la reine Eléonore
Elle sera traitée avec respect mais aussi indifférence par son époux qui lui préfère la jeune et belle Anne de Pisseleu, dame d’honneur de sa mère, qu’il connaît et fréquente depuis son retour d’Espagne, et dont il a fait sa maîtresse, favorite et duchesse d'Etampes.
Effacée, cette reine n’aura d’autre rôle politique que celui d’intermédiaire avec les Habsbourg dont elle est issue. Catholique rejetée par sa belle sœur Marguerite de Navarre, également rejetée par le nouveau roi Henri II à la mort de son père, elle quittera la cour puis se retirera en Espagne auprès de son frère, sans avoir laissé de trace dans l’histoire de France.
Un petit bémol
Les clarisses du couvent du Frêche se seraient établies à Mont de Marsan dès 1275, tout en conservant le nom de filles de Beyries. Si le mariage de François 1er a bien eu lieu chez ces religieuses de Sainte-Claire, il est moins facile de comprendre qu'elles aient pu recevoir la cour royale et la cérémonie dans une maison plus ou moins abandonnée depuis 250 ans. Mais, si le mariage avait eu lieu au couvent de Sainte Claire de Mont-de-Marsan, situé à l'hôpital du Bourg-Neuf, les chroniqueurs l'aurait précisé. Or ils indiquent une abbaye entre Roquefort et Captieux, ou à deux lieues au delà de Mont-de-Marsan ( désignée selon les auteurs successifs Verin, Verrières,... Beyries). Tout cela donna lieu à controverses entre historiens.
Cf. par exemple Emile Labeyrie -Etude historique sur la forme, le lieu et la date du mariage de François 1er avec Eleonore d'Autriche (Paris 1873)
TampouyCf. par exemple Emile Labeyrie -Etude historique sur la forme, le lieu et la date du mariage de François 1er avec Eleonore d'Autriche (Paris 1873)
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