Le Castera.
Le territoire de la
commune de Saint-Loubouer semble avoir été peuplé dès l’Antiquité. Des restes
de constructions gallo-romaines ont en effet été mis à jour à la fin du XIXe
siècle. On peut y voir une partie de colonne de marbre qui proviendrait d’un temple
païen. (Un sarcophage mérovingien du
VIIe siècle et son squelette ont même été découverts en mai 2015 au centre du
bourg, près de l’église)
Un vaste castrum, ou
camp dit romain, le Castera, était établi sur un hauteur à 500 mètres au
nord-ouest du bourg actuel. D’ailleurs, à la Révolution, sous la
Convention, le village prit le nom de Castéra. L’historien
A. Dompnier de Sauviac y plaça même le lieu de la seconde bataille de
Crassus contre les Tarusates et leurs alliés gascons et ibères lors de sa conquête
de l’Aquitaine en 56 avant J.C.
La collégiale et le village
Le bourg actuel s’est formé et développé autour
d’une communauté monastique établie au Xe ou XIe siècle sur l’extrémité ouest d’un
promontoire, et dont la fondation est attribuée
légendairement à saint Leborius, au cours des IVe ou Ve siècles sur les ruines
d’un ancien temple païen.
On ne sait rien de ce Sanctus Leborius, en latin, puis Sent Loboer en gascon,
martyr local, ermite ou confesseur, dont le tombeau aurait pu justifier ici la
fondation d’un monastère. Mais on a découvert en 1915 dans les restes et sous
le crépis d’une ancienne absidiole romane de l’église, des peintures murales
datées du XVIe siècle représentant le patron de l’église revêtu d’habits
épiscopaux, crosse en main et mitre sur la tête, laissant penser que ce Saint
Loubouer pouvait être un évêque. Celui-ci serait alors probablement le
fondateur ou premier abbé de l’abbaye bénédictine. Une peinture du XVIe siècle
et un vitrail de l’église le représentent ainsi en évêque, alors que le
Chapitre de la collégiale le désigne dans ses armoiries comme simple confesseur
« vestu en prêtre de sable (soutane noire), ayant le bonnet carré de
même sur la teste ».
Mais dès le XII° siècle, cette
abbaye bénédictine se transforma en
une simple collégiale séculière qui abritait encore au XVIe siècle un abbé et
un chapitre de huit chanoines, et se perpétua jusqu’à la Révolution. Le
cloitre était situé au nord de l’église abbatiale, à l’emplacement du cimetière
actuel. La maison conventuelle, commune à l’abbé et aux chanoines, était reliée
à l’église par le cloitre.
C’est autour de cette collégiale et
ses chanoines que le village se forma et se développa à partir du XIIe siècle. L’abbé
fut co-seigneur du bourg, autorité partagée avec les successifs seigneurs
locaux, vassaux du roi-duc anglais d’Aquitaine jusqu’au milieu du XIVe siècle
avant d’entrer sous la souveraineté du vicomte de Béarn Gaston III dit Fébus
Par lettres patentes de 1361, les habitants
obtinrent la protection du vicomte de Béarn, contre redevance. Puis l’abbé
lui-même dut, par un accord de 1373, lui faire donation de ses droits sur la
seigneurie, avec haute et basse justice.
Lors
de la reconquête de l’Aquitaine par Charles VII, après la délivrance de Tartas,
Saint-Sever et Dax, l’église de Saint-Loubouer fut choisie pour la tenue de
l’assemblée des trois États des Lannes convoquée par le comte Gaston IV de
Foix, lieutenant du roi en Gascogne chargé de la garde et administration du
pays. Cela eut lieu le 11 mai 1443, et marqua le rattachement des villes du
Tursan au royaume de France. C’est ici que les seigneurs gascons jurèrent sur
la croix fidélité et obéissance au roi de France avec refus de fournir des
vivres aux Anglais, régnant sur le pays depuis 300 ans. Le comte de Foix s’y
engageait à assurer aide et assistance pour la sécurité et défense du pays.
Bernard de Béarn, nommé sénéchal des Lannes par provision de Charles VII le 9
janvier 1443, y prêta serment.
En échange
de l’hommage aux vicomtes de Béarn, les habitants obtenaient le maintien de
leurs coutumes franchises et libertés en 1446, confirmé ensuite par les rois de
Navarre.
Composé d’une rue
unique aboutissant à l’église abbatiale, le village fut vraisemblablement fortifié
vers le XIIIe siècle, pendant la présence anglaise en Aquitaine, et prit
l’aspect d’une bastide. Sans imaginer une ceinture de remparts, on peut penser
à des terrassements de défense renforçant l’escarpement naturel du sol. Seul le
côté est présentait à l’origine deux issues protégées par des portes fortifiées
avec pont-levis. Une première aurait été démolie en 1839, la seconde subsiste
encore fièrement. (Deux autres portes auraient été détruites lors des guerres
de religion ?)
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Mais, lors des guerres de religion, le village
est ravagé du 7 au 10 septembre 1569 par les troupes huguenotes de Montgomery.
L’église primitive et le bourg sont presque entièrement détruits.
« Ladite église de
Saint-Loubouer, cloître et maison abbatiale, ont été entièrement ruinés, et les
murailles jusqu’aux fondements abattues et démolies sans qu’il y soit demeuré
aucune forme ny apparence, … et la maison abbatiale a esté bruslée, et aussi les
ornements emportés et pillés …. et, depuis la démolition de la dite église, a
esté prise la pierre d’icelle par plusieurs du dit lieu et encore depuis la
publication de la paix. ».
Une Description du royaume de France évoquait
encore en 1660 une ville « ruinée »
De la collégiale romane, il ne reste plus
aujourd’hui qu’une partie de façade ouest et son portail, des contreforts, la
base de la tour carrée, une absidiole et quelques chapiteaux réemployés.Les travaux de reconstruction de l’église actuelle débutèrent
vers 1590, en réutilisant les pierres amoncelées et les anciens chapiteaux.
La rage des Huguenots porta sur le bourg lui-même où,
selon la tradition orale, seule une maison reste debout, à l’angle du chemin de
Castelnau. Les habitants pillèrent ensuite les ruines pour réutiliser les
matériaux à la reconstruction de leur propre logement détruit.
Au bout de la rue, une sorte de halle-tunnel ou porche
d’entrée vers la collégiale présente un passage vouté en anse de panier.
La tour de Maubourguet.
Point d’entrée du village, cette porte est
surmontée d’une tour carrée massive à un étage dite tour de Maubourguet érigée
entre de la fin du XIIIe siècle et début du XIVe siècle. De plan carré, elle
surmonte un arceau ogival au-dessus duquel se trouve une pièce à peu près
carrée. Cette pièce est percée, sur ses quatre côtés, d'une meurtrière. La tour
devait être autrefois plus élevée qu'elle ne l'est actuellement, ce qui peut
justifier l’absence de bretèche, créneaux, mâchicoulis ou corbeaux et archères.
De même, il est surprenant de ne pas pouvoir y distinguer les pierres ou traces
de départ des courtines sur lesquelles elle devait s’appuyer. Il est vrai
qu’elle a dû être restaurée à plusieurs reprises. Une ancienne ouverture placée
à environ six mètres, sur le côté, atteste cependant d’un accès depuis le
rempart disparu. Dans l’arc de la porte
subsiste le trou d’un assommoir précédant le portail à double vantaux dont il
ne reste que les gonds.
La Tour a été inscrite aux Monuments historiques en 1935.
Le toponyme Maubourguet aurait pour origine les
mots latins malum (mauvais) et burgus
(bourg). En gascon médiéval, mau désignait mauvais, qui sait se
défendre, et burguet ou bourguet, un petit bourg. Cette dénomination signifierait
donc, soit un « mauvais petit bourg », soit une « mauvaise petite fortification
». La tradition locale en fait un nom destiné à dissuader les étrangers de tout
comportement hostile ou intention belliqueuse à l'encontre de ses habitants.
Les eaux thermales.
Connues depuis le XVIe siècle, des sources d'eau
chaudes sulfurées calciques jaillissaient au milieu de marais. (Source de la
Grande Maison). On dit qu'Henri IV mit alors en demeure les seigneurs du lieu d’établir
des bains publics. Ainsi, au XVIIIe siècle les eaux thermales étaient exploitées
dans un établissement reconstruit en 1750, et fréquenté par une clientèle
locale.
Ces bains de Saint-Loubouer furent distraits de
la commune en 1861 pour fonder, avec le territoire de la commune de Esperons et
une partie de celle de Damoulens, la nouvelle commune thermale
d’Eugénie-les-Bains.
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