Les jeux de quilles, avec de multiples variantes locales, ont été
longtemps ancrés dans la culture landaise rurale, constituant la principale
activité ludique du XIXe siècle jusqu'aux années 50 ou 60. Certains se pratiquaient
en extérieur lors des rassemblements festifs comme les foires et fêtes
patronales avec leurs concours de
quilles, ou, plus
régulièrement, sur des « plantiers » aménagés.
Je garde le souvenir de ces dimanches après-midi, lorsque adolescent
j’accompagnais mon oncle à ses interminables parties jouées avec ses collègues
sous les vieux chênes du Bosquet de Rion-des-Landes. Me restent les images des
planches du rampeau, du mécanisme rustique destiné à ramener les boules, sorte
de téléphérique manœuvré avec une roue de vélo … et les chopines de vin gardées
à l’ombre dans une bassine d’eau.
D’autres se pratiquaient à l’intérieur dans des
« quilliers », souvent annexes d’auberges ou cafés de village
Malheureusement,
la multiplication des distractions contemporaines et les changements de la vie
sociale ont fait que ces pratiques ont presque complètement disparu, à part
quelques survivances maintenues par les anciens, ou quelques tentatives de
relance et de valorisation par de jeunes retraités
Les quilles de neuf
Ce jeu d'origine béarnaise ancienne (on l’a fait
remonter au XVe siècle) s'est également implanté en Chalosse et Tursan à la fin
du XIXe siècle. La première compétition officielle eut d’ailleurs lieu à Dax en
1898. Une démonstration y est encore faite à l’occasion des férias.
Il
se pratique en général en intérieur dans des quilliers couverts. Le terrain est un carré tracé sur le sol en terre battue sur lequel sont
placées neuf grandes quilles. Sur un coin de ce carré se trouve la « quille
dite de main ».
Il s'agit de lancer une boule de 6 kgs sur la « quille
de main » et, dans le même mouvement, envoyer cette boule sur une autre
quille dite « plomb », et faire tomber en même temps d'autres quilles
avec la « quille de main » (
la boule tirée doit rester dans le carré). Au cas de succès, le joueur peut alors
rejouer pour effectuer une des 12 figures imposées selon les quilles visées !
Le but est de faire tomber le maximum de quilles.
les 12 figures ( source: coll. Lin Kessler)
On trouve encore de ces quilliers dans le sud des
Landes, comme Pouillon, Lahosse, Castelnau-Chalosse, Poudenx, Arboucave, Renung
…
Le jeu, qu’on dit antérieur à celui des quilles de
neuf, se pratiquait dans les Landes, principalement dans la région du Bas-Armagnac,
en extérieur.
Le
jeu, qui peut se pratiquer en individuel ou en équipe, consiste à abattre à
l’aide de trois boulons, ou boulets, cinq des six quilles (en bois de hêtre) alignées en deux rangées (trois petites quilles devant et trois
grandes derrière) sur un
rectangle au sol, dit « pité ».
Les boulons, pesant entre
1,15 et 1,25 kg, sont des cylindres en bois de hêtre, longs de 30 cm pour un diamètre
de 10 cm, dont la partie centrale est plus fine pour permettre la prise en main.
On
y joue sur un « plantier », espace situé en plein air, sur un sol en terre
battue. Au sol et à l’avant du « pité » souvent en ciment est placée
une tringle métallique qu’il faut impérativement franchir. Le tout est clos à
l’arrière par une barrière de planches de bois
Le pas de tir se situe à
11m de la première rangée de quilles. Le joueur doit viser et lancer le boulon
pour atteindre les quilles et en abattre cinq, ni une de plus, ni une de moins,
en un à trois coups. Lorsqu’il a abattu les cinq quilles, il marque un jeu.
S’il
abat les six quilles, le tir est nul et les quilles sont redressées et il peut
retenter le jeu . Si il lui reste un ou deux boulons il peut retenter le jeu.
Entre
chaque tir d’un même joueur, les boulons et les quilles tombés à cheval sur la
ligne délimitant le cadre du plantier sont retirés du plantier. Ceux tombés à
l’intérieur y restent. Ces éléments peuvent aider ou au contraire désavantager
le joueur selon où ils sont situés et les quilles restant à abattre.
Une
variante dite « au nombre de quilles » consiste, avec un nombre déterminé de
boulons, à abattre un maximum de quilles redressées, entre chaque boulon. (à Saint-Paul-lès-Dax ou à Labenne)
Les quilles
au maillet
Cette variante qui se pratiquait individuellement,
avec six quilles (3 grandes et 3 petites) et des
maillets de bois de 750 grs un peu différents des boulons, était devenu, jusque dans les années 1950, un jeu de mises en argent parfois importantes entrainant brutalités et
accidents qui fut sanctionné par des interdictions.
Les quilles de trois
Le jeu de quilles de
trois est pratiqué, en extérieur, plus particulièrement dans la région du « bas
Adour » (Saint-Jean-de-Marsacq), et autrefois dans le Marensin.
On
se sert de trois quilles allongées d’environ 60 centimètres de hauteur, et de
boules en bois de vergne ou frêne qui pèsent de 3 à 4 kgs pour un diamètre de
25 à 30 centimètres. Les boules sont percées de trois trous d'inégale grandeur
qui permettent d'engager les doigts pour assurer la prise.
Le
jeu se pratique sur un quillier, généralement attenant à un bistrot, en terre
battue de 25 à 30 mètres de long sur 3 à 4 mètres de large. Une de ses
extrémités comporte un butoir composé d’une palissade de pieux en bois
juxtaposés et placés en arc de cercle complété d’un dispositif rustique pour
amortir le choc de la boule. du terrain la plus susceptible d'être endommagée
par l'impact des boules ou des quilles.
Le
but du jeu, par équipe, est de renverser d'un seul coup les trois quilles
alignées, dressées à 5 ou 6 mètres les unes des autres, la boule ne devant
prendre contact avec le sol qu'après avoir atteint la deuxième quille.
Chaque
joueur dispose de cinq ou dix lancers dits « pits » pour réaliser le
meilleur score possible. La « marque » qu'il ne doit pas dépasser avec ses
pieds lors du lâcher de la boule varie dans sa distance à la première quille de
50 centimètres à 7 mètres à l'initiative du perdant de la partie précédente.
Le Rampeau
Le
rampeau pratiqué dans les Landes est une variante du jeu de quilles de trois.
Il s'en distingue par la taille et le poids des boules (moins de 10 centimètres
de diamètre et un poids d'environ 1 kilo) et la forme des quilles généralement
taillées dans du bois d’aulne et mesurant 60 cm de hauteur.
La
piste mesurait 3 à 4 mètres de large, pour 20 mètres de long, et était, au
fond, bordée de planches pour contenir la course de la boule. Pour gagner, il
fallait renverser les quilles d'un seul coup, et laisser l'une d'entre elles
debout.
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A Lire
CAMY
Jean : Les quilles en Gascogne. Entre jeu et sport, Terrain, n° 25, 1995,
pp. 61-72.
DUCASSE
Gaston : Un sport gascon et son histoire : les quilles de neuf,
Mont-de-Marsan, Jean Lacoste, 1953DABADIE Michel : Les quilles de 9 : du passé à l’avenir, Pau, Comité départemental de quilles de 9, 2011, 301 p.
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