Sur un site de cinq hectares
occupant une terrasse dominant la rive
sud du lit ancien de l’Adour, et au nord du hameau d’Augreilh, à 3 kms à l’ouest de Saint-Sever (chemin de
Mougnic prolongeant la D 352 reliant Toulouzette à Saint-Sever) on peut
apercevoir sur sa droite les rustiques toitures en tôles ondulées qui protègent
les vestiges arasés, et donc peu spectaculaires, d’un pourtant vaste et luxueux
établissement rural, entre demeure aristocratique et exploitation agricole de
riches propriétaires fonciers, établi pendant le Bas Empire au sud de la Gaule
aquitaine (Novempopulanie) dans le deuxième
tiers du IVème siècle (entre 330 et 380, selon la centaine de monnaies
découvertes, la plupart hors des murs de la villa).
Y furent découverts d’importants et
remarquables pavements de mosaïques polychromes combinant des compositions végétales plus ou moins
stylisées (feuilles d’acanthe, rinceaux, pampres de vigne), animalières
(poisson, oiseau) ou géométriques à base de cercles et d’octogones. La seule partie fouillée a
en effet révélé 800m2 de sols en mosaïques, et il doit en rester 200m2dans la
partie recouverte au nord de la route.
Un important groupe de chapiteaux ou fragments de chapiteaux
composites en marbre pyrénéen a été découvert sur le site, provenant des
galeries sud du péristyle ouest et de la fournaise des bains chauds. Deux de
ces chapiteaux conservés au Musée d’Art et d’Histoire du Cap de Gascogne, cloître
des Jacobins à Saint-Sever, seraient cependant issus de leur récupération au Ve
ou VIe siècle pour orner le palais du Palestrion sur l’oppidum de Morlanne.
Des colonnades des galeries ne sont restées que les fondations d’une colonne d’angle du péristyle ouest, et un socle de colonne du péristyle ouest, et les fragments d’une dizaine de futs monolithes cylindriques. Mais il est supposé que les cinq colonnes polychromes qui soutiennent les absidioles nord et sud de l’abbatiale de Saint-Sever étant de facture gallo-romaine et correspondant aux couleurs et diamètres des fragments découverts lors des fouilles d’Augreilh, puissent provenir effectivement d’un pillage de la villa du Gleyzia (Il peut en être de même pour des mosaïques découvertes à l’occasion du creusement des tombes de la nécropole).
La partie explorée de cette villa
gallo-romaine s’organise autour de deux péristyles rectangulaires symétriques, aux
galeries bordées de colonnades et entièrement mosaïquées, disposés de part et d’autre
d’une longue salle de 28 mètres qui faisait communiquer l’habitation proprement
dite, au nord su site, et les services, au sud. La partie ouest était occupée
par un important complexe balnéaire de sept pièces, avec un caldarium
chauffé par hypocauste à partir d’une fournaise contiguë, deux piscines
froides triconques semi enterrées, un frigidarium, et un bassin d’agrément
octogonal.
plan de la partie fouillée
Outre la structure fouillée, cet
ensemble comportait également divers communs et pièces de service accolés au côté
sud, et les bâtiments d’exploitation du vaste domaine agricole supposé entre
Adour et Gabas.
Il est probable que la villa côtoyait
une voie antique reliant les cités de Dax et Aire, que P. Dubedat situe à 500
mètres au sud, au niveau des maisons Bordenave et Comte.
* Une cinquantaine de tombes en terre
libre ont été fouillées et une centaine d’autres repérées. L’analyse de ces sépultures
laisse penser que cette nécropole a connu un développement important non pas
dès l’Antiquité tardive mais plutôt entre la fin du VIIIe siècle et la fin du
Xe siècle.
Les premières découvertes le temp des fouilles sauvages et du pillage
du site
Des mosaïques avaient déjà été
trouvées au XVIe s par des laboureurs au « Gleisiaou de Mazères »,
entre le fleuve et les forêts communales, mais les vestiges servirent longtemps
de carrière et les murs démolis s afin d’employer les matériaux à construire les
métairies du voisinage.
Mais le site était connu dès le Moyen-Age
puisque les bénédictins semblent avoir utilisé des colonnes à la construction
de l’abbatiale, en particulier les cinq colonnes de marbre polychrome qui
soutiennent les absidioles nord et sud
D’autres mosaïques furent découvertes sur le site vers 1820
par MM Dubedout et le baron de Captan. L’un en utilisa pour faire une table, l’autre
en orna le vestibule de sa propriété de Castera.
La villa fut redécouverte en 1870 à l’occasion des travaux
d’élargissement et de redressement du chemin vicinal de Toulouzette à
Saint-Sever qui traversait le site des
« camps dou Gleyzia » ainsi coupé en
deux. Les premiers dégagements, sans doute hâtifs, furent alors entrepris par M
Leopold Capdeville, avec la mise à jour de fragments de tuiles, de moellons,
de marbre, de fondations de murs, et la découverte de mosaïques.
Aussitôt, Le chantier fut envahi,
dépouillé, les amateurs et curieux du coin, intéressés par les mosaïques emportant
les morceaux trouvés sur le sol dégagé. D’autres élément furentnt brisés ou
détruits.
Finalement M. Capdeville, juge d’instruction
au tribunal, et amateur d’antiquités, obtint du propriétaire du lieu la possibilité
de pratiquer des fouilles aux fins de retirer les mosaïques qui pouvaient
encore s’y trouver, et d’en obtenir la concession. Il découvrit alors, au nord
du chemin (sur les parcelles 70, 74, 75 du plan cadastral 1995), entre autres, un
pavement de presque 50 m2, qu’il se contenta de faire transporter dans sa
maison, dans le but présumé de les préserver ! (Cf. Bull. Société de Borda
1890 avec description détaillée des mosaïques.
Avec la collaboration de
mosaïstes italiens, on scia les blocs de pavements, on numérota, on souleva sur
des planches, et on transporta à Saint-Sever. Les parties détériorées des
mosaïques furent restaurées, et le tout reconstitué pour recouvrir tout le
rez-de-chaussée de la maison (70 m2- dans salle à manger, vestibule, corridor d’entrée)
où elles se trouvent toujours. (Maison du Dr Sentex, 9 place de Verdun – l’ensemble
fut inscrit aux Monuments Historiques en 2004).
Un autre fit un guéridon d’un
fragment comportant une inscription, lequel guéridon fut mis en loterie et
gagné par le curé de Gabarret. Pendant ce temps, les collectionneurs acquéraient
les pièces de monnaie découvertes
Les fouilles furent poursuivies
au sud du chemin (parcelle 244 du plan cadastral 1995) avec, de même,
découverte, dépose et transport des pavements.
En 1871, le Dr L. Sentex, gendre
de M. Capdeville, et l’archéologue G. Chaplain-Duparc, reprirent les fouilles
abandonnées et dégagèrent au sud les premiers éléments des murs d’une cour intérieure,
un morceau de colonne en marbre blanc, un grand nombre d’ossements disséminés,
ainsi que, dans la galerie est de la cour orientale, des cubes de mosaïques
dont ils emportent une partie
En 1902, le propriétaire de la
ferme de la Hounade découvrait un nouveau pavement de mosaïques lors d’un
labour dans un champ voisin. Les fouilles poursuivies par le vicomte de Pelleport-Burète,
amateur d’antiquités, on procéda de nouveau au prélèvement que le baron A. de
Claye fit transporter dans son château d’Amou pour en décorer le vestibule. Le
vicomte ne manqua surement pas de ramener des fragments en sa chartreuse girondine
de Montigny-Rabey.
Le temp des vraies fouilles.
Ce n’est qu’à partir de 1969 que
l’emblématique docteur Paul Dubedat (1920-2016) entreprit le dégagement et l’étude
plus sérieuse des vestiges, travail qu’il poursuivit pendant quinze campagnes annuelles
de sondages et de fouilles, exclusivement sur une moitié (0,5 ha) du secteur
sud du site. La partie nord quelque peu endommagée, voire saccagée au XIXe
siècle, et les abords de la partie sud, restent à ce jour encore enfouies (1,5
ha)
1971-1972 (Gallia 1973 p
470-471) - Fin de l’exploration par sondages de la partie occidentale de la
villa, dégagement d’une une salle sur hypocauste à canaux installée contre la
façade extérieure de la galerie occidentale, avec lambeaux de mosaïque
polychrome, deux autres salles lui font suite au nord, pavement polychrome de
la galerie occidentale de la cour intérieure, découverte de trois monnaies du
IVe s.
1973-1974 (Gallia 1975 p
483) - Dégagement de l’ensemble balnéaire dans la partie ouest de la villa,
pièce intermédiaire circonscrite au nord par une piscine froide de plan
trilobé, et à l’est par une salle sur hypocauste à conduits rayonnants pavée de
mosaïque, et au sud par une probable réplique de la piscine triconque qui lui
fait face au nord ; et à l’ouest une salle sur hypocauste d’où l’on passe
à un édifice octogonal, découverte d’une tête de petite statuette dans un
égout.
1975-1976 (Gallia 1977 p
467) - Mise au jour au sud, de la piscine froide de
plan trilobé symétrique à celle dégagée en 1973-1974, fouille du côté sud de la galerie entourant la cour intérieure
jusqu’au point de jonction avec le coté est , découverte a l’est l’angle s/e
d’une galerie au sol pavé de mosaïque semblant annoncer une seconde cour intérieure, ces deux
secteurs étant reliés par une salle a abside, céramique commune, marbre,
verrerie, monnaies de la fin du Ive siècle, un bracelet de bronze torsadé
ouvert, une agrafe de bronze mérovingienne.
1977-1978 (Gallia 1979 p
514) - Campagnes de fouilles étendues à une partie du péristyle est, et à un
jeu de salles dont une cruciforme avec vestiges d’un complexe de canalisations
1979-1980 – (Gallia 1981) -
Restitution du tracé des deux péristyles, témoins des pavements de mosaïques
polychromes des galeries, longue salle entre les deux péristyles, achevée au
sud par une abside et chaussée par deux hypocaustes à canaux rayonnants,
quelques débris de chapiteaux et de colonnes de marbre.
1981-1982 (Gallia 1983) – Exploration
du péristyle est et études des galeries méridionales et orientales, mise à jour
de fragments de mosaïques, découverte dans la cour intérieure du péristyle des sépultures
du cimetière de l’église Saint-Pé-de-Mazères installée à l’époque médiévale
dans les ruines antiques, plan d’une vaste salle à abside au sud du péristyle encore
isolée des vestiges déjà reconnus.
Depuis, les fouilles dont
toujours en cours mais poursuivies très irrégulièrement durant l’année par des
étudiants de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour ou des archéologues
volontaires, en partenariat avec la Direction Régionale d’Archéologie, la ville
de Saint-Sever, et le propriétaire du terrain.
Nous ne sommes donc pas à l’abri
de nouvelles découvertes.
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LECTURES
P. Dubedat - La villa gallo-romaine du Gleyzia d’Augreilh
et Saint-Pé-de-Mazères - Princi Nègue -Pau 2003 - ou Ed. des Régionalismes
2022
P. Dubedat - Autour du Gleyzia d’Augreilh – Bull Borda 1970
p 13-31
P. Dubedat - La villa gallo-romaine du Gleyzia d’Augreilh à
Saint-Sever – Bull Borda 1987 p 321-356
P. Dubedat – Rapports de sondages annuels – archives S.R.A.
Aquitaine 1969 à 1984 (63 71 53 44 86 21 28 23 25 36 55 59 48 48 75 50)
P. Dubedat – Rapport de synthèse – archives S.R.A. Aquitaine
1985.
J. Cabanot – Les éléments de décor monumental antérieurs à
l’époque romane conservés à Saint-Sever – Cahiers archéologiques 1994 1981 p
496, et 1983 p 463-464.
C. Balmette – Recueil général des mosaïques de La Gaule- IV Aquitaine-Tome
2 (Répertoire graphique et descriptif) - ed. CNRS- Xe suppl. Gallia 1987.
L. Sintex – Les mosaïques gallo-romaines du Gleyzia de
Saint-Sever- Dax 1881.
L. Sentex – Les mosaïques du Gleyzia à Saint-Sever – imp.
Labèque Dax 1891 (Bull Borda 1890 p 229, et 1891 p 1).
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