enluminure du Beatus de Saint-Sever qui pourrait évoquer la bataille de Taller
Réalité ou légende ?
Qui, passant par Taller, se souvient de la bataille qui s'y est tenue ? Sûrement pas grand monde. Plus nombreux sont ceux qui n'en ont jamais entendu parler. Il est vrai que les témoins ont disparu depuis bien longtemps et que les comptes rendus sont inexistants. Seule la tradition, qui fait des landes de Taller le théâtre d'une importante bataille, s'est perpétuée chez quelques locaux ou érudits .
On peut , il est vrai, excuser les ignorants en précisant que cette bataille s 'est déroulée il y a maintenant plus de 1000 ans, puisque elle a opposé, vers 982, Guillaume Sanche, duc de Gascogne, aux envahisseurs Normands, et mettant ainsi fin à leur domination sur le pays (lequel était alors indépendant de l'autorité des derniers Carolingiens).
Mais d'où sort donc cette histoire ancienne?
A tout le moins, la charte atteste la tenue d'une bataille, contre une troisième incursion des Normands, avant la fondation de l'abbaye de St-Sever en 988. Les historiens se sont à peu près accordés sur les années 981 ou 982, sans justification certaine, si bien que les érudits de la Société de Borda ont organisé à Dax, en septembre 1982, un colloque à l'occasion du millénaire de l'évènement.
La tenue dune bataille étant retenue, pourquoi donc la situer précisément à Taller plutôt qu'ailleurs ? La charte de Saint-Sever ne mentionne pas plus le lieu de Taller que la date.
Mais il se trouve que le cartulaire de Saint-Pierre de Condom (première moitié du XIe siècle) revendique la possession d'une relique vénérée, qui serait une croix prise lors de la bataille sur un chef ennemi nommé Airald, et offerte à l'abbaye. Et dans le récit des circonstances de la donation de cette croix , les copistes précisent que l'affrontement eut lieu dans une plaine appelée Talleras, ajoutant même que ce lieu isolé était encore jonché de plus d'ossements blanchis des nombreux combattants qui y avaient été tués que d'herbes verdoyantes.
Ce sont les deux seuls récits contemporains faisant allusion à cette bataille entre le duc et comte de Gascogne Guilhem-Sants et des Normands (Vikings ) commandés par un certain Aigrold ou Airald, et le lieu n’est nommé que dans le texte de Condom sans indice certain qu’il s’agit du Taller situé près de Castets dans les Landes.Et aucun texte normand n'y fait allusion.
Pierre Marca ,dans son Histoire du Béarn, en 1640 (livre III ch 7 et 8) , évoque bien la bataille mais n'indique pas le lieu. Arnaud Ohienard, dans l'Histoire des deux Vasconnies, indique que la rencontre eut lieu dans une lande rase ( rictis acis in planitie Talleyras dicta ) reprenant sans doute le Cartulaire de Condom qui précise que le combat s'engagea dans un lieu solitaire.
On a donc déduit qu'il s'agissait de Taller venant des graphies anciennes Taliare- Talleyras- Taleras- Taller-
A ce jour, aucune donnée ou vestige archéologique ne permet d’accréditer tout cela. D'autant que les récits originels des moines, copiés, compilés, augmentés , font également une part belle à la légende. Ainsi on peut lire que le saint martyr Saint Sever est miraculeusement apparu en armes sur un cheval blanc, comme, un siècle plus tôt, l'apôtre Saint-Jacques de Compostelle à la bataille de Clavijo au coté des chrétiens espagnols contre les Maures) . Aussi légendaire est le récit de la mort du chef Airald après qu’on lui eut retiré sa croix protectrice dont les pouvoirs se perpétuaient à Condom.
Malgré tout, la tradition serait confortée dans sa vraisemblance par l'établissement dans un quartier du village, d'un hôpital nommé Fosse-Guimbaud ou Guibaud, qui aurait été fondé par Guibaud, le frère de Guillaume Sanche, par ailleurs qualifié d'évêque de Gascogne. Cet hôpital aujourd'hui disparu, dont on trouve des vestiges au sud du ruisseau de l’Escourion, figurait encore au XVIIIe siècle comme halte sur la voie de Tours du chemin des pèlerins vers Compostelle( depuis Lesperon, vers Taller-Gourbera et Dax) . Cet hôpital , au lieu-dit Kyo, figure sur la carte de Cassini comme chapelle ruinée.On y enleva des pierres jusqu'en 1793.
Peut-être qu'en ce lieu furent enterrés les morts de la bataille, voire Gombaud lui-même qui semble mort à cette époque.Encore que le frère s'appelait Gombaut et l'hôpital nommé Guimbaud ... Mais bon !
Déjà que l'occupation effective des Landes par les Vikings fait débat, la tenue de la bataille à Taller soulève beaucoup d'interrogations. Cette période de l'histoire est ici bien obscure.
Pourtant il en est fait état, et en ce lieu, dans les guides des pèlerins dès le XIe siècle.
A quand la découverte de sépultures ou traces de combattants dans l'immense massif forestier de Taller ? Les terribles tempêtes de 1999 et 2009 n'ont en tout cas rien exhumé de tel !
On peut , il est vrai, excuser les ignorants en précisant que cette bataille s 'est déroulée il y a maintenant plus de 1000 ans, puisque elle a opposé, vers 982, Guillaume Sanche, duc de Gascogne, aux envahisseurs Normands, et mettant ainsi fin à leur domination sur le pays (lequel était alors indépendant de l'autorité des derniers Carolingiens).
Mais d'où sort donc cette histoire ancienne?
D'abord des moines de Saint-Sever. En effet, selon le récit figurant dans leur Cartulaire, la fondation de leur abbaye résulterait d'une promesse faite par Guillaume Sanche à l'occasion de cette bataille, en reconnaissance de la protection du saint martyr. Il aurait fait voeu d'ériger un monastère sur le lieu de la chapelle primitive du tombeau du saint protecteur au cas de victoire contre les envahisseurs païens.
A tout le moins, la charte atteste la tenue d'une bataille, contre une troisième incursion des Normands, avant la fondation de l'abbaye de St-Sever en 988. Les historiens se sont à peu près accordés sur les années 981 ou 982, sans justification certaine, si bien que les érudits de la Société de Borda ont organisé à Dax, en septembre 1982, un colloque à l'occasion du millénaire de l'évènement.
La tenue dune bataille étant retenue, pourquoi donc la situer précisément à Taller plutôt qu'ailleurs ? La charte de Saint-Sever ne mentionne pas plus le lieu de Taller que la date.
Mais il se trouve que le cartulaire de Saint-Pierre de Condom (première moitié du XIe siècle) revendique la possession d'une relique vénérée, qui serait une croix prise lors de la bataille sur un chef ennemi nommé Airald, et offerte à l'abbaye. Et dans le récit des circonstances de la donation de cette croix , les copistes précisent que l'affrontement eut lieu dans une plaine appelée Talleras, ajoutant même que ce lieu isolé était encore jonché de plus d'ossements blanchis des nombreux combattants qui y avaient été tués que d'herbes verdoyantes.
Ce sont les deux seuls récits contemporains faisant allusion à cette bataille entre le duc et comte de Gascogne Guilhem-Sants et des Normands (Vikings ) commandés par un certain Aigrold ou Airald, et le lieu n’est nommé que dans le texte de Condom sans indice certain qu’il s’agit du Taller situé près de Castets dans les Landes.Et aucun texte normand n'y fait allusion.
Pierre Marca ,dans son Histoire du Béarn, en 1640 (livre III ch 7 et 8) , évoque bien la bataille mais n'indique pas le lieu. Arnaud Ohienard, dans l'Histoire des deux Vasconnies, indique que la rencontre eut lieu dans une lande rase ( rictis acis in planitie Talleyras dicta ) reprenant sans doute le Cartulaire de Condom qui précise que le combat s'engagea dans un lieu solitaire.
On a donc déduit qu'il s'agissait de Taller venant des graphies anciennes Taliare- Talleyras- Taleras- Taller-
A ce jour, aucune donnée ou vestige archéologique ne permet d’accréditer tout cela. D'autant que les récits originels des moines, copiés, compilés, augmentés , font également une part belle à la légende. Ainsi on peut lire que le saint martyr Saint Sever est miraculeusement apparu en armes sur un cheval blanc, comme, un siècle plus tôt, l'apôtre Saint-Jacques de Compostelle à la bataille de Clavijo au coté des chrétiens espagnols contre les Maures) . Aussi légendaire est le récit de la mort du chef Airald après qu’on lui eut retiré sa croix protectrice dont les pouvoirs se perpétuaient à Condom.
Malgré tout, la tradition serait confortée dans sa vraisemblance par l'établissement dans un quartier du village, d'un hôpital nommé Fosse-Guimbaud ou Guibaud, qui aurait été fondé par Guibaud, le frère de Guillaume Sanche, par ailleurs qualifié d'évêque de Gascogne. Cet hôpital aujourd'hui disparu, dont on trouve des vestiges au sud du ruisseau de l’Escourion, figurait encore au XVIIIe siècle comme halte sur la voie de Tours du chemin des pèlerins vers Compostelle( depuis Lesperon, vers Taller-Gourbera et Dax) . Cet hôpital , au lieu-dit Kyo, figure sur la carte de Cassini comme chapelle ruinée.On y enleva des pierres jusqu'en 1793.
Peut-être qu'en ce lieu furent enterrés les morts de la bataille, voire Gombaud lui-même qui semble mort à cette époque.Encore que le frère s'appelait Gombaut et l'hôpital nommé Guimbaud ... Mais bon !
Déjà que l'occupation effective des Landes par les Vikings fait débat, la tenue de la bataille à Taller soulève beaucoup d'interrogations. Cette période de l'histoire est ici bien obscure.
Pourtant il en est fait état, et en ce lieu, dans les guides des pèlerins dès le XIe siècle.
Une stèle ornée d'une coquille et de deux chevaliers a été édifiée en 2012 au bord du chemin de Compostelle
à l'emplacement de l'hôpital disparu
A quand la découverte de sépultures ou traces de combattants dans l'immense massif forestier de Taller ? Les terribles tempêtes de 1999 et 2009 n'ont en tout cas rien exhumé de tel !
Traduction française d'un extrait de l’acte de fondation de l’abbaye de St Sever :
« La nation impie des Normands ayant fait irruption dans les terres que je tiens de Dieu par droit héréditaire, je suis venu au tombeau du saint martyr Sever pour implorer sa protection contre ces barbares, promettant, s’il me rendait victorieux, de lui assujettir tout l’état soumis à ma domination, comme avait fait Adrien, roi du même pays, et m’engageant à construire au lieu d’une petite église que ce prince avait élevée en son honneur, un ample et magnifique monastère. Ayant, après ce vœu, livré bataille à cette troupe maudite, je vis paraître à la tête de la mienne le saint martyr, monté sur un cheval blanc et couvert d’armes brillantes, avec lesquelles il terrassa plusieurs milliers de ces méchants, et les envoya aux enfers. Parvenu au comble de mes souhaits par une dernière victoire, je m’empressai de m’acquitter de mon vœu… »
Extrait du cartulaire de Condom - compilé vers1380 :
« Parmi eux se trouvait un très redoutable normand appelé Airald [= Harald] qui protégé par sa cuirasse et ses armes paraissait invulnérable : les traits le touchaient mais ne le blessaient pas. Enfin il fut fait prisonnier et, sous sa cuirasse, on vit pendre à son cou la croix du Seigneur, alors qu’il en était indigne. Sitôt qu’elle lui fut retirée, il mourut. Le comte [Guilhem-Sants] offrit alors ce bois porteur de vie à notre monastère [St-Pierre de Condom]. Depuis, il apporte le salut, car on a reconnu sa vertu contre l’incendie, la tempête, et, aspergé de vin, dans le rétablissement des malades. On nomme toujours cette croix du nom du guerrier qui la portait. Guilhem devint ainsi prince de la province… ».
La résidence de Guilaume Sanche était, selon Marca, le Palestrion de Saint-Sever où se tenaient les assemblées. Gombaud, le frère, associé au gouvernement de la Gascogne dès 977,devint,une fois veuf, "évêque de Gascogne", notamment d' Aire et Dax, et semble mort en 982. Son fils Hugues fut le premier abbé de Condom.
colloque sur le millénaire de la bataille de Taller, 1983.
BOYRIE-FENIE (Bénédicte), Le toponyme « Taller », 1983, 4e tr. p.567-571
LARREGUE (Josette), Le point sur les recherches de Taller (octobre 1981), 1982, 2e tr., p. 201-205
LARREGUE (Josette), La Fosse Guimbaud : une certitude, 1983, 4e tr., p.587-596 [Taller]
MUSSOT-GOULARD (Renée), La bataille de Taller,1983, 4e tr., p.543-561
GAYON (Jean) La bataille de Taller bull Mémoire du Marensin n°12 2001 p 152-153
« La nation impie des Normands ayant fait irruption dans les terres que je tiens de Dieu par droit héréditaire, je suis venu au tombeau du saint martyr Sever pour implorer sa protection contre ces barbares, promettant, s’il me rendait victorieux, de lui assujettir tout l’état soumis à ma domination, comme avait fait Adrien, roi du même pays, et m’engageant à construire au lieu d’une petite église que ce prince avait élevée en son honneur, un ample et magnifique monastère. Ayant, après ce vœu, livré bataille à cette troupe maudite, je vis paraître à la tête de la mienne le saint martyr, monté sur un cheval blanc et couvert d’armes brillantes, avec lesquelles il terrassa plusieurs milliers de ces méchants, et les envoya aux enfers. Parvenu au comble de mes souhaits par une dernière victoire, je m’empressai de m’acquitter de mon vœu… »
Extrait du cartulaire de Condom - compilé vers1380 :
« Parmi eux se trouvait un très redoutable normand appelé Airald [= Harald] qui protégé par sa cuirasse et ses armes paraissait invulnérable : les traits le touchaient mais ne le blessaient pas. Enfin il fut fait prisonnier et, sous sa cuirasse, on vit pendre à son cou la croix du Seigneur, alors qu’il en était indigne. Sitôt qu’elle lui fut retirée, il mourut. Le comte [Guilhem-Sants] offrit alors ce bois porteur de vie à notre monastère [St-Pierre de Condom]. Depuis, il apporte le salut, car on a reconnu sa vertu contre l’incendie, la tempête, et, aspergé de vin, dans le rétablissement des malades. On nomme toujours cette croix du nom du guerrier qui la portait. Guilhem devint ainsi prince de la province… ».
La résidence de Guilaume Sanche était, selon Marca, le Palestrion de Saint-Sever où se tenaient les assemblées. Gombaud, le frère, associé au gouvernement de la Gascogne dès 977,devint,une fois veuf, "évêque de Gascogne", notamment d' Aire et Dax, et semble mort en 982. Son fils Hugues fut le premier abbé de Condom.
sources à consulter :
BULLETIN DE LA SOCIETE DE BORDA-DAX-
colloque sur le millénaire de la bataille de Taller, 1983.
BOYRIE-FENIE (Bénédicte), Le toponyme « Taller », 1983, 4e tr. p.567-571
LARREGUE (Josette), Le point sur les recherches de Taller (octobre 1981), 1982, 2e tr., p. 201-205
LARREGUE (Josette), La Fosse Guimbaud : une certitude, 1983, 4e tr., p.587-596 [Taller]
MUSSOT-GOULARD (Renée), La bataille de Taller,1983, 4e tr., p.543-561
GAYON (Jean) La bataille de Taller bull Mémoire du Marensin n°12 2001 p 152-153
une autre version de l'arrivée des Normands dans les Landes
- dessin d'Iturria - Sud-Ouest janvier 2013-
Mais le doute est permis sur la réalité de cette bataille à Taller
Voir à ce sujet de la réalité ou du mythe:
Stephen Lewis – Histoire des abbés de Condom et lieu supposé
d’une bataille légendaire à 'Taller' - dans la thèse Vikings en Aquitaine –
université Caen Normandie – 2021 – pages 631 et ss - https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03339358 (en anglais)
Joel Supéry - La fin de la période viking en Gascogne – étude critique de la thèse de Stephen Lewis - https://www.academia.edu/41474140/
panneau sur le site