Le charmant et pittoresque village d'Hastingues est situé sur un promontoire rocheux allongé dominant la plaine de la rive gauche des Gaves réunis, à la limite entre les Landes et les Pyrénées-Atlantiques, entre pays gascon et pays basque. On y accède par Peyrehorade ou par l'abbaye d'Arthous ... et même à pied depuis l'aire d'autoroute A 64.
.
Mais c'est surtout une ancienne petite bastide fondée par un contrat de paréage conclu le 21 février 1289 entre le roi Edouard 1er d'Angleterre, duc d’Aquitaine, qui séjournait alors en son camp de Bonnegarde depuis le mois de novembre précédent, et les moines Prémontrés de l’abbaye d'Arthous. Par ce contrat, l'abbé cédait au roi-duc les terres du lieu nommé Auria mala ( (dont la signification reste inconnue) pour établir sur cet emplacement une bastide destinée, en les regroupant, à assurer la sécurité, la tranquillité et la paix de ses sujets jusqu'alors menacées par les multiples homicides, vols et rapines commis. En effet, cette région située sur les marches du duché anglais d'Aquitaine, face à la Navarre française et au turbulant Béarn. souffrait, en cette époque troublée, du passage des divers ennemis et bandes de routiers, de pillards et de bandits y causant fréquemment de graves dommages violences et brigandages.
En fin politique, et avant d'achever son séjour chalossais en mars 1289, le roi d' Angleterre veillait ainsi à rassurer les habitants, et tentait de mettre fin à l'anarchie en assurant protection et sécurité du pays. La tâche d'asseoir son autorité par une solide administration locale en incomba à son sénéchal John de Havening jusqu'en 1294 ( il sera à nouveau sénéchal du 24 mars 1305 au 2 août 1308)
Mais la bastide d'Hastingues ne fut effectivement construite qu'une quinzaine d'années plus tard, vers 1303-1304 . En effet, en 1294, prenant prétexte des incidents survenus entre marins normands et anglais à Bayonne, le roi Philippe le Bel prononça la confiscation féodale suivie de l'occupation militaire du duché d'Aquitaine. Il provoqua ainsi le débarquement des troupes anglaises à Bordeaux et le déclenchement de la guerre de Gascogne qui dura jusqu'à une trêve de 1299 et la paix définitive en 1303 qui restitua l'Aquitaine aux anglais.
La bastide fut édifiée sur l'emplacement et les terrassements d'un oppidum gallo-romain. et prit le nom anglais de son fondateur, John baron de Hastings et de Abergavenny, nommé lieutenant et sénéchal en Gascogne par Edouard I er le 23 août 1302,fonction qu'il exerça environ deux ans, jusqu'en août ou septembre 1304 . Il fut à nouveau nommé par le roi Edouard II, le 24 octobre 1309 , et reprit son poste vers février 1310. Il aurait cependant quitté la Gascogne peu après son arrivée pour servir en Ecosse, et supplée par son lieutenant Assiu de Galard fut son lieutenant pendant son absence d’août 1311 à février 1312. Il renonça à sa charge à la fin de 1311 et mourut en février 1313.
gisant de John de Hastings
au prieuré bénédictin de Sainte Marie à Abergavenny en pays de Galles
De cette origine, le village actuel a conservé le plan avec ses deux longues rues coupées par des rues transversales plus étroites délimitant les îlots d'habitation. On y retrouve les étroites et longues parcelles caractéristiques de l'époque, la place centrale et les restes de ses " couverts", même si le quadrillage reste incomplet en raison sans doute de la faiblesse de la population qui y fut attirée. De la défense et clôture de la bastide ne restent que des vestiges de fossé et remblais de terre, et surtout une porte voûtée fortifiée et sa grosse tour rectangulaire insérée dans l'épaisseur de l'ancien vallum gallo-romain (inscrite MH en 1941). Une autre porte, au nord, aurait été démolie en 1792. Un chemin de ronde dessine le pourtour de la bastide en suivant le tracé des anciens remparts.
La muraille en pierre réclamée par les habitants, et la tour, étaient toujours toujours en construction au XVe siècle. Pour en financer l'édification ainsi que la construction et la reconstruction de ponts (pont fortifié à l embouchure l'Estey d'Arthous). et des routes entrant et sortant de l'endroit, le roi avait autorisé pour dix ans, la levée d'un péage et d'un droit de passage (barra seu pavagium) perçus sur les produits et marchandises transitant par la ville et le Gave( les nobles et ecclésiastiques en étaient exonérés ... ainsi que les habitants de Bayonne en 1321). Les travaux n'étant pas achevés dans le délai imparti, le droit de péage fut renouvelé pour dix ans en 1321.
La rue principale est encore bordée de belles maisons de caractère, de construction bien plus récente mais encore séparées par les "andrones" et au pignon sur rue. A l' origine les maisons, sans doute en bois et torchis, avaient 12 aunes de large sur 30 aunes de long avec, à l'arrière, un jardin d'une profondeur de 44 aunes (1 aune= 1,19 mètres), et éventuellement un four. Ces parcelles étaient attribuées contre paiement d'un cens annuel.
Face à l'église, isolée sur l'angle sud-ouest de la place centrale se dresse la maison dite des Jurats , les magistrats municipaux..Construite entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle, elle se compose de deux étages carrés, auxquels s’ajoute un petit étage comble. S'avançant sur le devant de la façade, deux grands contreforts soutiennent les arcades du rez-de-chaussée, depuis murées; mais dont on distingue la trace des arceaux entourant aujourd’hui des fenêtres modernes. Aux deux étages, trois grandes fenêtres à meneaux et encadrements moulurés. De plan rectangulaire, elle est, à ce jour, divisée en deux parties et propriétés dont l'une en ruine comportant une tourelle d'escalier. (inscrite M H en 2010).
la maison des Jurats
Dans la rue principale, la maison dite du Sénéchal ou du Gouverneur, de la fin du XVe siècle ou du début du XVIe siècle, avec sa porte et son arc en accolade surmonte de deux personnages et un ange portant écusson. est sans doute la plus ancienne du village( inscrite MH en 1937).
maison du Sénéchal
restes des "couverts" de la place
La ville descendait vers le Gave où l'aménagement d'un port avait été autorisé en 1343.
La ville neuve reçut l'usage des fors de la récente bastide royale de Bonnegarde inspirés des coutumes de Dax. A la requête des habitants, ces privilèges furent confirmés et complétés en 1321 à Rochester par Edouard II, après leur examen et certification par le sénéchal Guillaume de Montague sous le sceau de la cour de Gascogne. (William de Montague, fut sénéchal de Gascogne entre la fin 1318 et la fin 1319 date de sa mort)..
L'administration était confiée à un bayle délégué du pouvoir royal par le sénéchal de Gascogne. Il était assisté de six jurats nommés pour un an , lesquels élisaient leurs successeurs à chaque Toussaint.
Le commerce était assuré par un marché hebdomadaire le mardi, et deux foires annuelles de huit jours à la saint-Mathieu et à la Saint-André.
Dès 1377, pendant la guerre de Cent Ans, Hastingues alors entre les mains des français, subit un siège de quinze jours et une première destruction. La tradition dit qu'on utilisa de ses pierres pour la construction d'un pilori près de la cathédrale de Bayonne. La bastide fut attaquée et prise en 1449 par le vicomte de Lautrec frère du comte Gaston IV de Foix, au nom du roi de France.
Les constructions anciennes, dont l'église, ont été incendiées et détruites par les troupes impériales espagnoles du Prince d’Orange, Philibert de Chalon, en 1523. Puis, lors des guerres de religion, les protestants détruisirent une partie de l'enceinte en 1571. Enfin, la tour fut incendiée en 1615 par le duc de La Force gouverneur du Béarn en conflit avec le duc de Gramont.
_____________________________________
POUR LES CURIEUX
Acte de fondation de la bastide en 1289
Pro
abbate et conventu Artosii, diocesis Aquensis
Rex
omnibus ad quos, etc., salutem.
Noveritis
quod, pensantes precipue quitem et pacem subditorumm nostrorum, et nominatim
abbatis et conventus Arthosii, diocesis Aquensis, Premonstratensis ordinis, et
aliorum religiosorum, ecclesiasticorum et pacificorum virorum parcium illarum,
in quibus plurima homicidia, rapine et furta fuere dudum commissa, concedimus,
volumus et ordinamus quod bastida fiat pro nobis et heredibus nostris ad opus
mostri in loco vocato Auriamala, diocesis Aquensis, qui locus nobis per abbatem
et conventum predictos cum quibusdam terris adjacentibus fuit concessus ad
bastidam hujusmodi construendam; necnon concedimus abbati et conventui
supradictis, ultra alia sibi concessa per cartas nostras quod ipsi et corum
successores habeant et possideant parpetuo, pacifice et quiete, medietatem
exituum et proventuum nostrorum que habebimus in bastida predicta, faciendo et
solvendo medietatem expensarum que fient pro construendis et tenendis furnis
predictis, retento tamen nobis et heredibus nostris uno furno as decoquendum
proprium panem nostrum vel ministrorum nostrorum, de quo pane decoquendo nichil
penitus recipient abas seu conventus predicti. Concedimus eciam eisdem abbati
et conventui unam placeam seu solum domus in bono et competenti loco, talis
amplitudinis et longitudinis quales erunt placee vel soli aliorum habitatorum
bastide predicte, in quo vel qua possint
libere donum construere ad opus monasterii supredictin quam semper habeant ab
omni servicio liberam et inmunem. Rursus volumus et concedimus quod possint
habere et percipere de lapidicina loci predicti lapides as officinas predicti
monasterii sui. Preterea volumus et concedimus ut grangiam ejusdem monasterii,
quam habent juxta locum predictum, cum tot jornatis terre quot continentur in
litteris abbatis et concentus predictorum nobis de donacione predictorum
concessis habeant et retineant libere et quiete ad opus sui monasterri sepefati;
et eisdem promitimus quod nullis religiosis, cujusque ordinis vel condicionis
existant, debimus vel eciam concedemu ullo uncquam tempore licenciam
construendi inini domun vel oratorium, vel cis propter hoc terram dabimus seu
assignabimus, sine ipsorum abbatis et conventus speciali consensu. In cujus, etc,
Datum (apud Bonam Guardam), xxj° die
Februarii. (1289)
(Charles Bemont-Rôles Gascons Tome II membr 14 n° 1418)
Confirmation et accord des privilèges de la bastide en 1321
Image du parchemin en latin et sa traduction anglaise consultable sur
http://www.gasconrolls.org/fr/edition/calendars/C61_35/document.html
(membrane 19 n° 18-22-23)
________________________________